Des détails qui font la différence
Par Chris Caprin
Dans le monde du VTT à assistance électrique, tout va très vite… Alors que le Specialized Turbo Levo de deuxième génération tient encore sacrément la route vis-à-vis de la concurrence, la marque américaine débarque pourtant déjà avec une version 3 de son best-seller. Avant son arrivée prévue dans les magasins au moment où vous lirez ces lignes, nous avons eu le privilège de l’essayer en avant-première sur les sentiers des Alpes de Haute-Provence. Revue de détails !
Specialized Turbo Levo 3 Pro
• Usage randonnée sportive et enduro
• Roues de 29 pouces AV et 27,5 AR
• Débattement 160 AV/150 AR
• Cadre en carbone FACT 11 mm
• Reach 452 mm et Stack 626 mm en taille S3, offset (déport de fourche) 44 mm
• Motorisation Brose/Specialized 250 watts, 90 Nm, 565 watts en pic
• Batterie de 700 Wh
Console et commande : MasterMind TCU
• Modes d’assistance : 3 (Eco, Trail, Turbo) + Shuttle et assistance à la marche
• Réglages et connectivité : par l’application Mission Control
• Pneus Specialized Butcher Grid T9 29×2.60 et Eliminator Grid T7 27,5×2.60
• 6 tailles (S1, S2, S3, S4, S5, S6)
• Prix du modèle testé : 11 499 €
• Poids vérifié : 22,10 kg (sans pédales, en taille S4)
L’idée de faire évoluer la version 2 du Turbo Levo ne date pas d’hier. En effet, quelques mois seulement après sa présentation en septembre 2018, un groupe d’ingénieurs suisses et américains s’est immédiatement remis au travail, avec pour projet d’améliorer par une multitude de petits détails le vélo qui venait d’être lancé… Deux ans et demi plus tard, c’est un Levo de troisième génération qui débarque dans les magasins. Que nous réserve-t-il comme surprises ? Réponses.
Levo 3 – Ce qui change…
D’abord, après nous avoir proposé un Levo en 27,5+ avec des pneus en 3.0, un 27,5 + en 2.8 et, enfin, le dernier en 29 pouces avec renfort de cadre asymétrique, cette fois-ci, sur la même base de triangle avant, Specialized nous sert un cocktail “mix-wheels” en 29/27,5 , que l’on appelle vulgairement “Mullet”. Pourquoi ? Pas pour suivre une quelconque mode, affirme-t-on chez Spé, mais simplement pour bénéficier d’un peu plus d’espace au niveau du moteur en disposant d’une partie arrière de cadre moins compacte et, évidemment, de bases plus courtes (442 mm). C’est ce qui s’appelle jouer sur les deux tableaux : à la fois récupérer davantage de place pour le passage de la roue arrière, tout en proposant un VTTAE plus maniable et joueur.
Conséquences : la géométrie du Turbo Levo a changé, avec un tube de selle plus redressé (aisance accrue en montée), un triangle avant plus spacieux (pour être bien positionné au centre du vélo) et un angle de douille de direction un peu plus ouvert.
Cerise sur le gâteau, comme sur les modèles Stumpjumper EVO, la géométrie est modulable grâce à une coupelle de jeu de direction supplémentaire qui permet de disposer en tout (avec celle d’origine) de trois degrés d’angle de fourche différents entre 63 et 65,5°. Enfin, du côté des axes de pivot du bras arrière, un Flip-Chip permet également de faire varier la hauteur de boîtier de pédalier de + ou – 6 mm. De quoi se régler son vélo comme on le souhaite, et, surtout, en fonction de sa pratique.
Quant au débattement des suspensions (160 AV/150 AR), il est à la fois suffisant pour encaisser la plupart des chocs et offrir une bonne motricité sans pour autant perdre l’efficacité au pédalage. En effet, grâce à de nouvelles biellettes, un travail sur la cinématique et des réglages de l’amortisseur spécifiques aux VTTAE, les ingénieurs se sont évertués à préserver un certain rendement, tout en proposant une absorption des différents impacts digne d’un vélo possédant davantage de débattement. Il faut dire aussi qu’avec un ensemble fourche Fox 38 Kashima et amortisseur X2 Kashima, le niveau de qualité touche à la perfection…
Et du côté de l’assistance électrique ?
Si nous avons toujours affaire à une base de moteur Brose Drive S Mag 2.1, des efforts ont été fournis pour offrir un comportement encore plus naturel au pédalage, de même qu’une fiabilité accrue, grâce – entre autres – à une courroie de transmission plus robuste, une personnalisation des réglages de puissance et de couple, une cartographie qui adoucit la manière dont la puissance est délivrée et une nouvelle trappe au niveau de la prise de charge qui possède, non plus un seul, mais trois joints d’étanchéité différents. En ce qui concerne la batterie totalement intégrée et démontable, on retrouve évidemment le modèle Turbo Technology de 700 Wh qui donnait déjà toute satisfaction aux utilisateurs du Levo Gen2.
Et puis enfin, il y a la nouvelle console Mastermind Turbo Control Unit, le “cerveau” du Levo, comme on dit chez Specialized ! C’est l’accessoire que l’on attendait, qui vous permet d’être connecté visuellement avec le moteur, la batterie et tout ce qui tourne autour de l’électronique. Placé idéalement sur le dessus du top tube (exactement au même endroit et dans le même espace que l’ancienne console minimaliste du Gen2), le Mastermind TCU vous donne toutes les informations et données dont vous avez besoin (horloge, vitesse, moyenne, niveau de batterie au pourcent près, degré d’assistance, dénivelé, utilisation de la puissance), tout en vous offrant la possibilité d’accéder à tout un tas d’informations et à de nombreux réglages du vélo sur le terrain. Couplé à l’application Mission Control, vous disposez carrément d’un mini-ordinateur de bord.
De là à imaginer que le Turbo Levo 3 est une sorte d’OVNI, il n’y a qu’un pas !
Derniers détails…
Nous avons aussi constaté que la marque américaine a fait un effort particulier sur la protection de ce magnifique cadre en carbone garanti à vie… Grâce à des pièces en caoutchouc souple placées judicieusement aux endroits stratégiques (voir photos), les nombreux impacts dus aux divers projections que l’on subit en tout-terrain pourront être évités. Et la durée de vie, tout comme l’aspect esthétique de votre précieux engin, prolongé d’autant. Dans un autre registre, le parcours tortueux de la gaine de tige de selle télescopique a été simplifié.
Côté transmission et freinage, on trouve du Sram XO1 avec une cassette 10/52 et des Code RSC 4 pistons avec disques de 200 mm (220 à l’avant sur S4, S5, S6). Petite nouveauté : pour la potence et les poignées caoutchouc, Specialized fait désormais confiance à Deity (potence uniquement sur S-Woks et Pro), alors que le cintre et les roues en carbone, eux, sont siglés Roval.
Sur ces nouveaux Turbo Levo 3, Specialized présente également le S-Sizing. Cékoidon, me direz-vous ? Eh bien, pour faire simple, on part du principe qu’il est indispensable de se concentrer sur ce qui est réellement important, à savoir qu’il n’y a pas que la taille du pilote qui compte, mais également ce qu’il attend d’un vélo en fonction de sa pratique. D’où la possibilité d’avoir le choix entre six vraies tailles, avec des petits modèles au reach court, plus compacts et éventuellement plus joueurs, alors que les grands offriront davantage d’espace au vététiste et une stabilité plus importante.
Ainsi, pour quelqu’un qui roule habituellement sur un M, c’est vers un S3 qu’il faudra s’orienter… Mais si, d’aventure, la personne désire un VTTAE plus joueur, elle peut choisir un S2. Tout comme un S4 si elle souhaite bénéficier d’un bike plus stable, plus sécurisant. Grâce à ces six tailles différentes et après essai préalable, on est assuré d’avoir le vrai vélo qui convient à son style. Mais également – selon combien l’on mesure – la possibilité de disposer d’un vrai S et d’un vrai XXL au sein de la gamme.
Enfin, pour l’instant, seuls le kit cadre S-Works (6 999 euros), le S-Works complet (13 999 euros) et le Pro que nous avons testés seront disponibles immédiatement dans les magasins. Autrement, pas plus de précisions que ça sur le reste de la gamme, qui, selon nos interlocuteurs de chez Spé, est supposée s’étoffer de plusieurs autres modèles dans les mois qui viennent… À suivre.
Le Specialized Turbo Levo 3 sur le terrain
Après ce large tour d’horizon statique sur le nouveau Turbo Levo 3, il est temps de passer au ressenti terrain. A ce que j’ai pu noter pendant ce galop d’essai effectué au guidon du modèle Pro sur les magnifiques sentiers du Val de Durance. Des parcours extraordinaires et ludiques aménagés et entretenus avec amour par les membres de la communauté du site VTT-FFC Provence Alpes. Merci à vous pour l’accueil, ce fut un réel plaisir.
À la montée
Dès le premier chemin qui grimpe vers la crête juste en face la montagne de Lure, avec l’angle de fourche en position standard, je constate que l’on est idéalement posé, comme souvent sur les Spé. La potence positionnée assez bas et la selle légèrement avancée sur le chariot me donnent l’impression d’être bien assis au centre du vélo, comme calé entre les deux roues. Et même si la roue arrière est en 27,5, je n’ai pas eu du tout la sensation d’être “assis au-dessus du pneu” ou de subir un quelconque déséquilibre.
Au contraire, le Levo Gen3 se montre très stable, va droit et reste nerveux quand il faut soulever l’avant pour passer une marche (les bases courtes), sans pour autant se cabrer de manière inopinée. En clair et un peu comme un Lapierre GLP2 (en Mullet, lui aussi), l’avant se lève facilement quand on le souhaite, mais reste bien au sol le reste du temps. Un très bon point.
On peut dire aussi que la géométrie, avec un bel espace au niveau du tube supérieur, un tube de selle assez droit et des bases plus courtes, change le comportement du Levo dans le bon sens. A savoir qu’il est nettement moins neutre et bien plus nerveux dans son comportement, sans pour autant perdre son côté sécurisant. Bien sûr, le mix des roues en 29 à l’avant et 27 et demi à l’arrière y est certainement pour beaucoup, mais on sent bien qu’il n’y a pas que ça… J’attends donc avec impatience de pouvoir tester en profondeur ce nouveau Levo sur mes sentiers habituels pour me faire une idée plus précise à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, rien qu’au fil de cette présentation, en empruntant des montées différentes mais toujours assez techniques et sinueuses, j’ai pu constater la facilité qu’avait ce vélo pour virer dans un mouchoir de poche et passer d’une épingle à l’autre avec une facilité assez déconcertante. Et en mode Trail, sur le bon braquet, c’est un régal d’enchaîner les virages d’un sentier en lacets bien raide sans avoir à se bagarrer avec le vélo. A ce titre, il faut dire que le grand pignon de 52 dents de la transmission Sram permet de mouliner encore davantage et, si on le souhaite, de privilégier le couple à la puissance maxi. Aussi bien en vélocité qu’en maniabilité et en motricité, j’ai eu en tout cas la nette impression que le Turbo Levo Gen3 dépassait largement les performances de la version précédente…
Et puis pour ceux qui préfèrent un VTT plus vif en montée, comme pour ceux qui veulent éventuellement plus de stabilité en descente, il est toujours possible de diminuer ou d’augmenter l’angle de fourche grâce à la cuvette réversible fournie avec le bike. C’est très vite fait et ça change réellement le caractère du Levo.
Dans le même registre, pour ceux qui privilégient l’efficacité en montée, on peut conseiller également de jouer sur la position du Flip-Chip en le mettant sur High, ce qui a pour incidence de relever légèrement le boîtier de pédalier. Non seulement les manivelles auront encore moins de risque de toucher les obstacles au sol, mais on peut même dire que cela apporte aussi un petit plus au niveau de l’aisance lorsque la pente est raide et sur les petits franchissements. Ainsi, le comportement du vélo aurait tendance à se rapprocher un poil plus de celui d’un “full” 29.
En descente
Partant de là, quand la pente s’inverse et que la pratique s’oriente plus “Gravity” que Marathon, vous aurez compris qu’il sera judicieux de rester sur la position Low du Flip-Chip et éventuellement de mettre encore un peu plus d’angle à la fourche. Mais honnêtement, avec la cuvette d’origine, en descente, le vélo est déjà sacrément efficace. Dans la plupart des cas, en utilisation rando sportive et enduro light, il n’y a pas vraiment besoin d’y toucher. Sur des pistes sinueuses et ludiques comme autour de Château-Arnoux dans les Alpes de Haute-Provence, en le laissant avec les réglages de série, le Turbo Levo est dans son élément et permet – dans la majeure partie des cas – de s’amuser tout en allant vite.
Avec le Butcher Grid T9 en 2.60 à l’avant et l’Eliminator Grid T7 en 2.60 à l’arrière, la tenue de piste est excellente et le grip latéral permet de prendre de l’angle sans trop se poser de questions… Evidemment, un pneu en 2.40 à l’avant avec des crampons plus agressifs serait forcément plus précis et directionnel, mais là, je chipote un peu. En effet, pour la majorité des pratiquants, cette roue avant en 29 pouces avec un pneu bien volumineux est juste l’assurance de survoler les petits obstacles encore plus facilement et de disposer d’un confort supérieur.
Dans un registre identique, j’ai pu aussi vérifier que sur un e-bike, même en 160 mm de débattement seulement, une fourche de 38 de diamètre, c’est bien. Bien sûr, ça rajoute un peu de poids, mais globalement, il y a nettement plus d’avantages que d’inconvénients. Dans les parties cassantes, sur les marches abordées à grande vitesse ou quand on arrive dans les trous d’une zone de freinage, avec un bike de plus de 20 kilos, c’est forcément un plus.
En tout cas, sur le nouveau Levo, on ne sent pas du tout le poids supplémentaire et comme sur le modèle précédent, la facilité avec laquelle on lève la roue avant est toujours aussi impressionnante. Sans gagner de poids et avec une grosse batterie de 700 Wh, le Spé reste malgré tout dans le trio de tête des VTTAE les plus faciles à mettre sur la roue arrière – et à y rester – aux côtés du Rocky Mountain Powerplay et du Lapierre GLP2.
Et puis dans les passages vraiment raides et sinueux en descente, on apprécie encore davantage la roue arrière en 27 et demi. On place le vélo un peu plus facilement au bon endroit et si l’on doit vraiment passer derrière la selle dans le très pentu, on a un peu moins de risque d’avoir le pneu qui vient vous gratter le cul sur un choc plus important !
Comportement du moteur
Ceux qui aimaient le Brose/Specialized 2.0 ne seront ni déçus, ni dépaysés par les quelques petites modifications apportées sur le moteur qui équipera les Turbo Levo 2022. En effet, son côté silencieux, gorgé de couple et très naturel au pédalage n’a pas disparu, bien au contraire. En revanche, on note que le spectre qui permet de trouver l’assistance adéquate en fonction du terrain rencontré est encore plus large. Certes, il est toujours nécessaire de chercher un minimum la bonne cadence de pédalage pour optimiser les performances du moteur, tout en s’efforçant de réduire le plus possible la consommation d’énergie, mais cela se fait encore plus facilement.
Et une fois que l’on a pris l’habitude de gérer les bons braquets et que l’on a compris le fonctionnement du moteur – ce qui n’est pas difficile –, on se rend compte de l’efficacité incroyable du duo Brose/Specialized. Car même si le bloc propulseur annonce une très forte puissance sur le papier, sur le terrain, la manière dont elle est distillée rend le vélo vraiment facile à piloter… Le couple énorme et la progressivité avec laquelle l’assistance arrive font donc du Levo une bête en franchissement et en montée. Et cela, même avec une roue arrière de 27 et demi que l’on sait par expérience un peu moins efficace quand ça monte que quand ça descend ! Eh bien là, en tout cas, par rapport à l’ancien modèle en 29 pouces, ce n’est pas moins bien. Au contraire, même, dirais-je. Ce qui est une très bonne surprise.
Du coup, suite à mes longues heures passées récemment sur des motorisations différentes, en mode Trail, j’ai trouvé que le comportement du Specialized se situait à peu près entre l’eMTB de Bosch et le Trail de chez Shimano. Avec un poil plus d’assistance dans les faux-plats par rapport au moulin allemand et peut-être légèrement moins de facilité pour disposer toujours de la bonne puissance au bon moment que sur le Japonais… Un bon compromis, non ?
Qu’en penser ?
Qu’en opérant un changement dans la continuité et en jouant plutôt la carte de la fiabilité que celle du gain de poids, Specialized a malgré tout réussi à améliorer le comportement, la finition et la polyvalence de son Turbo Levo.
Que même si j’ai un faible pour le 29 pouces, le montage “Mullet” avec roues différenciées (29 AV/27,5 AR) semble finalement apporter plus d’avantages que d’inconvénients… C’est en tout cas ce que j’ai constaté sur ce Specialized à assistance électrique.
Que la base du moteur Brose Drive S Mag 2.1 associée au savoir-faire de Specialized était toujours aussi agréable, grâce – entre autres – à son côté silencieux, ses performances globales et son confort d’utilisation.
Que si le Turbo Levo de deuxième génération avait un comportement très sain mais plutôt neutre, le Levo 3, lui, a nettement gagné en caractère. Plus sportif, il garde néanmoins toujours ce côté facile et rassurant que les amateurs de la marque appréciaient. De quoi convaincre une nouvelle frange de pratiquants, sans pour autant dérouter les clients de longue date. A ce titre, on peut donc affirmer qu’avec ce nouveau Levo, Specialized a réussi son pari !
Enfin, même si c’est toujours agréable de rouler sur un VTTAE haut de gamme, je tiens à préciser que je suis impatient de pouvoir tester un modèle plus abordable financièrement que le Levo Carbon Pro à 11 499 euros… Ça ne saurait tarder, alors restez branchés !