Dossier : La compétition VTTAE en question…

Par Chris Caprin

Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis quelques années, le VTTAE en compétition se cherche. Heureusement, des personnes motivées et bien intentionnées se creusent la tête pour lui trouver une place sur l’échiquier national et international… C’est le cas de Fred Glo, créateur des Enduro Series en France et cofondateur de la coupe du monde d’enduro, mais aussi de pilotes et d’organisateurs passionnés, comme Nicolas Vouilloz, Jérôme Gilloux ou Olivier Giordanengo. Ils nous expliquent leur vision des choses.

A l’aune des différentes situations dont nous avons été témoins ces dernières années, il paraît évident que la compétition en VTT à assistance électrique n’est pas simple à gérer. Les ventes de vélos explosent. Les organisateurs de courses et d’événements spécialisés lui accordent une grande place. Deux fédérations sportives comme la FFC (cyclisme) et la FFM (motocyclisme) se disputent le bébé. Plusieurs catégories, plusieurs championnats ont été créés et… personne n’y comprend rien ! Pourtant, il existe un réel engouement pour cette nouvelle pratique du tout-terrain sur deux-roues, seulement faute de clarté, le pratiquant hésite à franchir le pas qui le verra fixer une plaque au guidon de son vélo et un dossard sur son dos.

Comment doit se dérouler une course de VTTAE ? Quelle discipline – X-Country, Enduro, Marathon – convient le mieux à cette nouvelle façon de faire du VTT, à ce nouveau sport ? A quoi doivent ressembler les parcours ? Est-il souhaitable qu’en compétition, le VTTAE se mélange avec le VTT classique ? De quelle manière peut-on contrôler le matériel et éviter la triche ?

Nous avons posé toutes ces questions à ceux qui sont susceptibles d’y répondre le mieux et avec le plus d’honnêteté et de franchise possibles… Ceux qui se bougent, qui sont sur le terrain, bref, en gros, ceux qui savent de quoi ils parlent. Voilà leurs réponses.


VTTAE.fr : Fred, en tant que membre actif du développement du VTTAE en compétition, pourrais-tu nous expliquer ta vision de la discipline ?

Fred Glo : Il s’agit de profiter de tout le potentiel présent et futur des VTTAE. Je pense que l’engin est idéal pour une pratique Enduro compétition et ouvre de nouvelles perspectives en termes de format de course, de tracés et d’expériences pour les pilotes. Du sentier, du sentier et rien que du sentier, que ce soit pour monter, pour descendre, en liaisons ou en spéciales. Avouons que c’est alléchant pour tous ceux qui conçoivent le VTT avant tout sur du single – et nous sommes nombreux – car c’est la base et le fondement même du mountain bike.

Les VTT modernes nous poussent vers les sentiers plus ou moins techniques – pour le reste, maintenant, il y a éventuellement le Gravel – et le VTT à assistance électrique va enrichir encore la pratique avec la notion de franchissement en montée. En compétition, les pistes pour 4×4 et les routes doivent être empruntées le moins possible ou pas du tout. Sur le format EWS-E, c’est en tout cas ce que nous nous efforçons de faire.

Aujourd’hui, l’UCI, la fédération internationale de Cyclisme, travaille en étroite collaboration avec les organisateurs des Enduro World Series. On peut même dire qu’elle vous laisse quasiment carte blanche… Comment s’est installée cette confiance ?

Elle est avant tout basée sur l’énorme succès des Enduro World Series et la crédibilité que nous y avons gagnée. Si nous avons l’adhésion des riders, des teams, de l’industrie, c’est tout simplement parce que depuis 2013, nous avons fait du bon travail. L’UCI a eu l’intelligence de vouloir travailler avec nous pour développer l’Enduro et ne pas réinventer la roue pour de simples questions d’égo ou de politique. Nous travaillons main dans la main avec l’UCI. Nous parlons d’une seule et même voix et nous montrons une seule voie en Enduro.

Tout cela vous a-t-il permis d’imposer également votre vision des choses et votre savoir-faire dans le domaine de la compétition en VTTAE ?

Suite à notre Test Event de Finale Ligure en 2018 et après étude et analyse de notre vision du sport E-Enduro, l’UCI a décidé d’étendre nos compétences Enduro également à l’électrique.

Nous travaillons main dans la main avec l’UCI. Nous parlons d’une seule et même voix et nous montrons une seule voie en enduro.

Peux-tu nous expliquer brièvement et simplement à quoi ressemblent le règlement spécifique et le schéma de course précis que l’on trouve sur une EWS-E ?

Nous proposons trois niveaux de compétitions : les EWS-E (trois boucles et trois batteries) pour l’Elite et les Pros, l’EWS-E 100 (trois boucles et deux batteries avec recharge pour la troisième boucle) pour les amateurs et l’EWS-E 50 (une boucle et demie et une batterie) pour ceux qui veulent découvrir la discipline. L’idée est de rouler sur assistance max sans avoir trop l’œil sur la consommation. Ainsi, les boucles seront calibrées chaque année afin que les différents systèmes d’assistance puissent passer avec un dénivelé positif maxi et un kilométrage donné à ne pas dépasser.

La liaison fait partie intégrale du format. Les temps pourront être souples – surtout si la liaison est sans intérêt sur piste ou route –, mais aussi serrés voire très serrés. Il faudra donc déjà faire en sorte d’arriver à l’heure au départ des spéciales sous peine de pénalités. Puis, bien entendu, il y aura des spéciales sensiblement identiques à des spéciales enduro classiques, même si on évitera les allonges à la pédale au-dessus de 25 km/h. Pédaler sur un électrique au-dessus de cette vitesse devra donc rester rare et exceptionnel en spéciale.

Enfin et surtout, il y aura l’apparition d’une spéciale en montée, dite de franchissement. Une ou deux maximum par journée de course. Elle sera très technique et courte. Elle doit mettre en valeur les qualités de pilotage avant tout et ne doit pas déséquilibrer le résultat global de manière disproportionnée. Prendre éventuellement 30 secondes au pire dans une spéciale de franchissement, d’accord, mais certainement pas 3 minutes. C’est ça l’idée.

Et pour éviter la triche, comment ça marche ? Quels sont les contrôles exactement ?

Nous travaillons depuis trois ans sur un mouchard. Il voit énormément de paramètres sur tous les systèmes. Nous avons déjà présenté aux motoristes l’outil embarqué il y a 12 mois pour répondre à leurs questions et avoir leur accord de principe. Dans un premier temps, nous souhaitons simplement contrôler la vitesse et le fait que le pilote n’utilise pas un système à bouton ou à gâchette pour avancer sans pédaler et faciliter le passage d’un obstacle, par exemple.

Pour le reste tout est libre, chacun peut donc essayer d’optimiser son couple, sa puissance, son autonomie autant que faire se peut. Car tous les systèmes répondant à la norme 250 watts ne sont pas égaux en performances et nous voulons laisser de la latitude pour tenter de combler des lacunes. Attention, obtenir plus de couple ou de puissance ne fait pas tout et ne reflètera pas le classement – surtout pas en Enduro. C’est plus équitable en tout cas pour les pros et ça fera avancer de toute façon la technologie. L’amateur, lui, pourra toujours choisir de s’équiper avec ce qu’il aura identifié comme le meilleur système ou vélo du moment, alors que le pilote officiel lui “subira” davantage à ce niveau. Pour être complet, l’amateur a aussi le droit de trouver des solutions pour améliorer son système, même si l’on pense qu’il aura a priori moins de moyens à sa disposition pour cela.

Cette règle pourra évoluer dans le futur si nous pensons que tout le monde doit rouler avec un bike “sorti du carton”. Mais dans ce cas, le protocole de contrôle serait bien plus contraignant pour tous. Ne nous lançons pas dans des règles qu’on serait incapables de contrôler, surtout si elles n’apportent pas plus d’équité. C’est la force de l’Enduro-E que de lisser les théoriques avantages techniques, bien plus qu’en XC-E sans doute.

L’affluence n’est pas encore au rendez-vous sur les course de VTTAE… Pourrait-on dire que le milieu du VTT n’a pas encore compris qu’il avait affaire à un nouveau sport, une nouvelle pratique du tout-terrain sur deux-roues ?

Les ventes de VTTAE typé Enduro explosent, c’est même le cœur de marché de ce type de vélos. L’industrie pousse et pourtant l’affluence des compétiteurs se fait attendre, c’est un fait. C’est illogique en apparence, mais cela s’explique par un manque de visibilité claire de la discipline avec plein de “couacs” fédéraux, nationaux et internationaux. Bref on est super mal partis depuis cinq ans et en gros, on n’y comprend rien avec le sentiment que tout cela n’est pas pérenne et ne le sera peut-être jamais. Il y a même des petits couacs encore aujourd’hui… Quand je vois la FFC décider unilatéralement de diluer l’Enduro-E vers le XC-E en créant le Rallye-E, ça me laisse pour le moins perplexe.

Donc la base, c’est montrer une direction claire avec un format qui tient la route et donne des perspectives pour se projeter. C’est ce que nous nous efforçons de faire au niveau international avec les EWS-E. On y est presque depuis l’an dernier et nos deux premières manches électriques de Zermatt et Pietra Ligure, mais ce satané virus est venu nous couper dans notre élan. Si on rajoute à ça “l’élec’-bashing” de certaines communautés – surtout en Amérique du Nord – et la frilosité de certains médias sur le bien-fondé de courir en VTTAE – j’ai entendu la même chose il y a 15 ans avec l’Enduro – tout cela fait qu’on en est là. Le format XC-E n’a pas aidé non plus sans doute à valider le VTT à assistance électrique comme discipline potentiellement crédible dans son ensemble.

Niveau coureurs, on dirait quand même que l’on manque encore de vrais spécialistes de la discipline, non ?

Le seul qui s’est vraiment spécialisé, c’est Nico Vouilloz, entraînant Yannick Pontal dans son sillage et on a vu les résultats. Derrière, c’est encore maigre. Les autres regardent, picorent et ne se projettent pas vraiment dans une carrière full élec’. Un peu comme en Enduro hier où les pilotes de DH venaient se faire tordre la fleur au fusil par les enduristes sur la saison 1 des EWS… Sauf un Fabien Barel qui avait tout compris ! Et s’il se pointe en EWS-E, c’est pareil, ce sera un client. Quand ils verront que des “moins bons” qu’eux sont devant, ils vont d’abord crier à la triche. Puis ils comprendront qu’il faut prendre le truc au sérieux et qu’il y a quelques boulons spécifiques à serrer pour performer et ce n’est surtout pas en regardant ça avec dédain qu’ils taperont un Nico – même à plus de 40 balais.

J’ai beaucoup de respect pour lui qui a souvent tout compris plus vite que les autres. C’est un leader qui a des convictions, pas un mouton qui suit parce que c’est la mode. Il sait que cette discipline a tous les ingrédients pour s’imposer et surtout, à la base, je pense qu’il s’éclate. Je partage son avis et c’est pour ça et rien que pour ça que ce sport explosera. Pas à cause du marketing ou du pognon de l’industrie qui pousserait, mais juste parce que c’est trop bon. Les choses sont souvent bien plus simples qu’on ne le pense… Elles sont devant notre nez.

À mon humble avis, le VTTAE est parfaitement en phase avec la technologie et l’esprit de l’enduro.

Actuellement, quel est le degré d’investissement des marques dans la compétition en VTTAE ?

Elles avancent des pions pour voir, en mode observation, mais toutes sont clairement dans les starting-blocks et ça peut basculer très vite. Plus vite que ce que cette impression de statu quo, avec un monde de la compétition VTT pseudo figé, laisse présager.

Les marques, l’industrie, les teams peuvent très vite faire basculer leurs budgets vers l’électrique, alors à bon entendeur chez les coureurs qui sauront se (re)positionner. J’ai deux ou trois exemples de pilotes dans le ventre mou de l’Enduro inter qui ont fait la fine bouche et n’ont pas voulu sauter sur de bonnes propositions de teams pour le VTTAE… Dans leur cas, je pense que c’était une erreur fatale.

J’aimerais aussi avoir ton avis sur le Championnat du monde de VTTAE XC qui est organisé depuis maintenant deux ans…

J’observe ça de loin maintenant. Depuis le début en tous les cas, j’ai une vision sur l’Enduro élec et je me dis : “Le XC en électrique, pourquoi pas, mais ça me semble beaucoup plus compliqué à rendre équitable sur le fond, comme sur l’esprit”. Je pense que ça ne colle pas vraiment avec l’ADN purement cycliste du XC. Alors qu’à mon humble avis, le VTTAE est parfaitement en phase avec la technologie et l’esprit de l’Enduro.

Aujourd’hui, on a un maillot arc-en-ciel pour le Champion du monde de VTTAE en XC, alors qu’il n’existe toujours pas de Championnat du monde d’Enduro. C’est pas vraiment logique !

Le Champion et la Championne du monde d’Enduro sont sacrés à l’issue d’une saison d’EWS et par équipe sur le Trophée des Nations. Idem pour la version électrique… Le Champion du monde le sera à l’issue d’une saison de quatre dates – croisons les doigts – dès cette année.

Je dois avouer que ce n’est peut-être pas idéal que toutes les disciplines UCI ne sacrent pas de la même façon leurs champions, mais pour l’instant, en Enduro, c’est comme ça depuis 2013.

Si l’enduro VTT peut être considéré comme un sport mécanique, pour le VTTAE, c’est encore plus flagrant. La Fédération Française de Motocyclisme qui s’intéresse de près à la discipline, c’est un vrai danger, non ? Surtout que ça reste avant toute chose du vélo… si tu ne pédales pas, tu n’avances pas !

Un gros danger, oui, et je pense avoir été le tout premier à monter au créneau pour alerter la MBF, puis la FFC et les médias lors d’une réunion à Villars-de-Lans il y a quatre ou cinq ans. Il est incohérent que les fédérations de motocyclisme s’emparent de cette discipline. Ils n’ont pas de légitimité pour ça, car oui, il s’agit bien de vélo… même s’il est encore plus bardé de technologie qu’avant, encore plus “sport mécanique”, effectivement, avec une assistance au pédalage.

Symboliquement, laisser tomber le VTTAE dans l’escarcelle des fédérations moto pourrait être très lourd de conséquences pour notre pratique quotidienne dans les bois et serait une aubaine pour les détracteurs du VTT en général. Mais les choses évoluent dans le bon sens, alors ne nous faisons plus peur pour rien… Néanmoins, restons vigilants.

Pour terminer, que dirais-tu à tous les nombreux pratiquants pour leur donner envie de participer à des course de VTTAE ?

Qu’ils vont vivre leur plus belle journée de course sur un VTT si c’est le pilotage qui les fait vibrer avant tout. Et qu’à la fin de la journée, ils seront rincés comme rarement !

L’avis des pilotes

Nicolas Vouilloz (Champion de France de VTTAE Enduro 2020), Lapierre Overvolt Team

Ma vision du sport, c’est qu’avec l’assistance électrique, on puisse vraiment faire plus de dénivelé positif, plus de descentes et que l’on passe plus de temps sur le vélo.

“Aujourd’hui, pour moi, la plus belle course de VTTAE que j’ai faite, c’est l’Enduro des Portes du Mercantour… Déjà, parce qu’il est tracé par Olivier Giordanengo, un mec qui sait ce que le vélo à assistance électrique veut dire, et puis c’est quand même un site exceptionnel. En plus, les spéciales sont intéressantes, plutôt longues et les liaisons ne sont pas trop roulantes.

Globalement, c’est donc sur cette épreuve que l’on s’est le plus rapprochés de ma vision d’une vraie course de VTTAE.

Ma vision du sport, justement, c’est qu’avec l’assistance électrique, on puisse vraiment faire plus de tout. Plus de dénivelé positif, plus de descentes, plus de temps sur le vélo… Bref, que l’on fasse de vraies journées de bike en allant chercher des sentiers de folie que l’on mettrait bien trop de temps à atteindre avec un VTT classique. De tutoyer davantage les sommets et les beaux chemins en crêtes avant de s’enquiller de longues spéciales de 600 ou 700 m de négatif. Dans l’esprit de la Tribe 10 000 des débuts de l’Enduro où l’on n’était loin des runs courts proches de la DH que l’on trouve maintenant de plus en plus régulièrement en Enduro World Series.

En revanche, je salue l’effort d’Alex Balaud, qui, en Coupe de France d’Enduro VTTAE, s’efforce de nous programmer quasiment le double de ce que font les coureurs en “musculaire”. A la fin du week-end, tu es vraiment rincé et c’est de cette façon que l’on fera comprendre aux détracteurs du VTTAE en compétition qu’ils se trompent en nous traitant de feignants. C’est peut-être plus cool en rando, mais sur des courses longues avec des parcours adaptés et du dénivelé, c’est largement aussi dur physiquement.”

Jérôme Gilloux (Champion de France de VTTAE XC 2020), e-Team Moustache

Peu importe le type de course. Du moment que c’est bien tracé et que les circuits sont adaptés au VTTAE, je me fais plaisir.

“En ce qui me concerne, peu importe le type de course. Du moment que c’est bien tracé et que les circuits sont adaptés au VTTAE, je me fais plaisir. C’est le cas pour la formule X-Country. Il n’est pas obligatoire de faire de longues boucles de 10 km dans la nature pour aller chercher les difficultés et même si les obstacles sont artificiels, il suffit juste que ça soit techniques sur quelques kilomètres et qu’à la base, on ne puisse pas passer les montées avec un vélo sans assistance. Ce n’était pas le cas aux derniers championnats du monde à Leogang et c’est bien dommage.

Après, il y a les formats marathon, genre Transvésubienne ou Tour du Mont-Blanc, mais là, il faut bien s’assurer que l’on puisse suffisamment changer les batteries pour utiliser au maximum la puissance sans arrière-pensées. Si c’est pour rouler à l’économie en Eco ou en Tour et commencer à devoir gérer, c’est une autre discipline et ça ne m’intéresse pas. Personnellement, j’aime bien piloter et rouler vite en descente comme en montée. C’est ce qui fait la différence entre cette nouvelle discipline et le VTT sans assistance… Ça demande de la pratique, l’apprentissage d’une nouvelle technique de pilotage et un entraînement spécifique.

Enfin, concernant l’Enduro, le format World Series ou même celui des Coupes de France qui s’en inspire me plaît vraiment beaucoup aussi. Les week-ends de course sont longs… Il y a des tronçons chronométrés en montée qui sont difficiles, on passe beaucoup de temps sur le vélo – même pour les reconnaissances, où il nous arrive souvent de remonter les spéciales de descente à l’envers – et à l’arrivée, on est tous vraiment cuits ! Bref, c’est du sport et il faut aimer pédaler.”

Trois questions à… Olivier Giordanengo

Sur une course de VTTAE, la clé, c’est que le gars ait vraiment l’impression d’en avoir fait plus. D’avoir découvert autre chose que s’il était resté sur un VTT classique.

Patron du magasin La Roue Libre à Nice, ancien pilote et traceur de l’Enduro des Portes du Mercantour à Valberg, Olivier dispose de plusieurs casquettes qui lui donnent forcément une vision large et éclairée de la compétition en VTTAE…

Peux-tu nous dire ce qui t’a donné envie de te lancer dans les courses de VTT à assistance électrique ?

(Il se marre)… Tout ça, c’est encore la faute à George Edwards ! Il y a une dizaine d’années, quand il a pris le risque de faire une place au VTT à assistance électrique sur la Transvésubienne, pour moi, ça a été le déclencheur. J’y ai tout de suite cru. Bien sûr, comme tous les pionniers, au départ, j’y suis allé pour découvrir quelque chose de nouveau. J’ai d’abord roulé au guidon d’engins bricolés et souvent inadaptés, il faut bien le dire… Mais le matériel a évolué très rapidement et le jour où j’ai eu l’occasion de poser mes fesses sur le premier Giant Full-E, je me suis dit qu’il y avait vraiment un truc à faire en VTT avec ce nouveau type de machine. C’était l’idéal pour repousser les limites, aller plus loin, monter plus haut, se faire davantage plaisir… Un potentiel énorme pour créer une nouvelle pratique et une nouvelle discipline sportive.

En tant que marchand de vélos, coureur et organisateur d’épreuves d’Enduro VTT dans les Alpes-Maritimes, j’étais idéalement placé pour faire découvrir aux gens les nombreuses qualités de ces nouveaux jouets. Et ça n’a pas été difficile de les convaincre, car en essayer un, c’est l’adopter !

Aujourd’hui, quels sont les critères qui font que tu t’es régalé sur une épreuve de VTTAE ?

Il faut que le tracé, la longueur du parcours, tout comme l’enchaînement des liaisons et des spéciales soient parfaitement adaptés au VTTAE. C’est la clé. Que quand le mec arrive au bout de l’épreuve, même si au départ il n’est pas convaincu par l’assistance électrique, il se dise : “Putain, c’était bon quand même… et en plus, je suis mort !“… Qu’il ait vraiment eu l’impression de faire une grosse journée ou un gros week-end de mountain bike. D’en avoir fait plus et d’avoir découvert autre chose que s’il était resté sur un VTT classique.

L’essentiel est que la journée soit bien rythmée et cadencée, que le timing horaire soit bien calculé en amont, que les spéciales s’enchaînent et que tu ne voies pas le temps passer. Il est important aussi que ce soit tracé par un spécialiste qui connaît bien la pratique du VTTAE et ses contraintes. Cela permet d’éviter des erreurs, comme, par exemple, de placer une “Power Stage” avec une montée très difficile de 2 mn à la fin d’une boucle, quand on arrive au bout de la batterie… Il faut plutôt la mettre au début. C’est plus logique et ça évite de devoir rouler à l’économie pendant la boucle en prévision de cette spéciale.

Quand tu as des parcours très techniques avec des liaisons – en Turbo, je précise, car c’est vraiment important de ne pas être obligé de rouler doucement et à l’économie – c’est là que tu t’aperçois que tu as vraiment affaire à un nouveau sport… Mais encore une fois, il est impératif que le format soit adapté à l’Enduro en VTT à assistance électrique. Malgré tout, je suis obligé de me rendre à l’évidence que c’est long et que la compétition en VTTAE ne prend pas aussi vite que je l’imaginais. Il faut dire que notre façon de pratiquer est assez élitiste et qu’il est indispensable d’avoir un bon bagage technique et un entraînement assidu pour arriver à se faire plaisir sur les sentiers que l’on emprunte.

Et encore, à la fin d’un week-end de Coupe de France, même nous, on est cuits, alors c’est sûr que pour le pratiquant de base ou le débutant, c’est trop dur. D’où l’importance, comme sur les EWS-E, d’avoir le choix entre trois catégories distinctes afin que le pilote élite super entraîné et l’amateur qui souhaite découvrir la discipline sur une seule boucle y trouvent chacun leur compte.

Il est aussi très important de prévenir les coureurs de ce qui les attend sur les différentes boucles. Qu’ils soient informés par un road-book du timing précis de la course et sachent si les liaisons seront serrées ou, au contraire, avec des temps plus larges. Mais il faut vraiment qu’il y ait des retards et les petites pénalités qui vont avec… Ça doit faire aussi partie du jeu de l’Enduro en VTTAE.

Quand tu t’occupes du tracé d’une course comme l’Enduro des Portes du Mercantour, quelles sont les contraintes et les difficultés que tu rencontres ?

Je le répète, pour être sûr de ne pas se tromper, le parcours, le timing horaire, le dénivelé et la chronologie des spéciales doivent être calculés méticuleusement et répétés soigneusement avant la course par des gens expérimentés. Et lorsque tu as établi ton plan A, il te faut aussi prévoir le B en cas de pluie, avec des temps plus larges en liaison… Ça double les contraintes. Ensuite, il est indispensable de s’assurer que la période allouée à la charge des batteries soit suffisamment longue pour que tout le monde ait le temps de le faire confortablement.

Tous ces paramètres supplémentaires à prendre en compte font que je suis persuadé que les épreuves d’Enduro VTTAE doivent être organisées à part et qu’il ne faut plus les mélanger avec l’enduro classique. Sinon, c’est trop compliqué et on s’y perd forcément… Moi, c’est ce que j’ai choisi de faire sur l’Enduro des Portes du Mercantour et encore, même concentré sur une seule catégorie, il m’arrive de me louper… Comme il y a deux ans, où, par manque de surveillance, une multiprise a été éteinte accidentellement, privant cinq coureurs de leur batterie au moment de repartir pour une boucle. Un enduro en VTTAE demande encore plus de rigueur à l’organisateur et à mon avis, il n’est pas possible de se concentrer comme il faut si l’on mélange les deux catégories le même week-end.

Et puis là, pour 2021, en plus des incertitudes liées au Covid, les stations sont dans le rouge financièrement et Valberg nous a clairement signifié que nous n’aurions quasiment aucune aide de leur part… Actuellement – et je le déplore – c’est donc très difficile de se projeter dans l’organisation d’un événement comme une manche des EWS-E.

Le calendrier des épreuves 2021

Enduro World Series–E

  • Valberg (F) – 19 juin
  • Crans-Montana (CH) – 9 septembre
  • Pietra Ligure (I) – 18 septembre
  • Tweed Valley (GB) – 30 septembre

Coupe de France Enduro Series

  • Risoul – 3/4 juillet
  • Thollon/Bernex – 21/22 août

E-bike World Tour

  • Tignes/Val d’Isère (F) – 30 juillet/1er août
  • Verbier (CH) – 12/15 août
  • Flachau (AUT) – A venir

E-Mountain Bike World Cup

  • Monaco – 24/25 avril
  • Bologne (I) – 5/6 juin
  • Clermont-Ferrand (F) – 17/18 juin
  • Girona (SP) – 24/25 septembre
  • Barcelone (SP) – 16/17 octobre

Championnats de France VTTAE “Rallye”

  • Villars de Lans (F) – 6 juin

Formats TransV

  • Transvalléenne – Gréolières les neiges/La Colle (F) – 5 septembre
  • Transvésubienne – Nice/Levens/St Martin Vésubie (F) – 2/3 octobre
  1. Super intéressant ce dossier. Surtout quand ce sont ceux qui ont contribué à créer les disciplines et épreuves de vtt les plus attirantes comme l’enduro, les raids extrêmes (merci M.Edwards aussi) qui s’expriment. En mélangeant toutes ces idées, on aurait une épreuve idéale! Juste compliqué avec le changement de batterie sur mon powerplay, ce qui me bloque pour la transvésubienne par ex.. Par contre une Tribe 10 000 en électrique 20 ans après, je signe de suite!! Une chose est sûre, j’essaierai forcément une course enduro vttae dans l’avenir! Courage et merci à ceux qui nous permettent de vivre cela!!

  2. Un bien bel article mais rien sur le site qui informe de la manche qui a eu lieu ce week end sur la commune de Peille, je pense qu’il y a un gros problème de communication.
    Dur dans ces conditions de faire vivre et connaitre ce sport.

  3. L’erreur serait de copier le traditionnel, je pense que l'(e)enduro ou la formule rallye sont les bonnes solutions (à travailler) à condition d’une boucle (50 kms) qui se ferait avec deux batteries (1000wh serait la limite), des liaisons serrées, des spéciales (évidement) en D- mais surtout (à l’inverse du tradi) en D+. Mais surtout ne pas se soucier de l’autonomie.Handicap majeur pour un max de plaisir. Après le coût d’un vttae pour un jeune pour débuter en compétition est surement un handicap ainsi que les évolutions futures qui ne manqueront pas de rendre obsolète votre bike à 7000€…

  4. J’aurai tendance à penser, également, que la capacité d’énergie disponible pourrait être facilement limitée. Cela imposerait donc une gestion de la consommation, que je ne trouve pas désagréable à supporter. Cette capacité est censée être facilement contrôlable, comparativement aux modèles du marché.
    Mais je fais confiance aux principaux acteurs, pour nous trouver la meilleure formule, afin que cette discipline puisse gagner en popularité, sans tomber dans les excès.

  5. article interressant mais …..alors que l on predit la mort proche de la formule 1, que l humanité cherche des solutions pour consommer moins d nrj…..Comment peut on promouvoir un loisir qui en consome? On marche sur la tete …..

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *