Depuis quelques temps, la Fédération Française de Cyclisme (FFC) et son homologue motocycliste (FFM) se livrent une bataille. En jeu ? Le développement de la pratique sportive du VTT à assistance électrique dans l’hexagone.
Après notre enquête complète sur les enjeux de cette bataille fin 2017, nous alertions sur une manoeuvre singulière de la FFM début 2018. La justice a tranché sur ce dernier point, condamnant la Fédération Française de Motocyclisme…
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Le contexte…
En France, la responsabilité du développement d’un sport est confiée par le ministère, à une fédération, via ce que l’on appel une délégation. La FFC dispose de celle concernant le cyclisme, la FFM celle concernant le motocyclisme.
Or, jusqu’à nouvel ordre, la pratique du VTT à assistance électrique ne rentre ni dans l’une, ni dans l’autre. Il faut pour cela que le ministère tranche, ce qu’il a pour habitude de faire à chaque olympiade. En 2016, dernière année olympique en date, le sujet n’avait pas été abordé.
En 2020, covid oblige, les jeux olympiques et les travaux du ministère ont été repoussés. En attendant, les deux fédérations candidates se positionnent, fourbissent leurs armes, voir s’affrontent sur différents terrains. Notamment celui du dépôt de termes et marques susceptibles d’être utiles à la promotion de la pratique…

La manoeuvre
On avait notamment mis en lumière la manoeuvre de la FFM au printemps 2018. Elle avait tout bonnement déposé un série de termes génériques auprès de l’INPI : Championnat de France E-VTT Enduro, VTTAE, E-Bike… Plus d’une trentaine en tout : 23 marques verbales (composées de lettres et chiffres) et 15 marques semi-figuratives (texte+logo).
De prime abord, une manoeuvre assez cavalière pour tenter de s’approprier la propriété intellectuelle de termes assez courants et usuels. D’autant que dans un premier temps, l’INPI n’aurait pas retoqué la demande alors qu’il s’agit d’un des points essentiels de son règlement.
Le Jugement
Après une tentative, à l’amiable mais sans succès, initiée par ses soins, la Fédération Française de Cyclisme avait donc saisi le tribunal judiciaire de Paris. C’est ainsi la justice qui a tranché. Dans son jugement du 18 décembre dernier, elle stipule notamment que la démarche de la FFM revêt un caractère frauduleux.
L’enregistrement de ces signes induisait de facto un monopole excluant tout droit pour la FFC d’en faire usage à l’avenir, si cette dernière venait à recevoir la délégation. […] La FFM ne peut raisonnablement réfuter ne pas avoir agit sciemment au mépris des intérêts de la FFC en la privant par anticipation des signes dont elle est susceptible d’avoir besoin.
Tribunal judiciaire de Paris, Jugement du 18/12/20

Jurisprudence ?
Il est encore tôt pour dire que ce jugement sonne le glas du match FFC vs FFM, d’autant que d’autres circonstances peuvent peser dans la bataille. Mais ici, c’est bien un point particulier que la justice a retenu. Dans un courrier en date du 4 mai 2018, le ministère des sports dit que [à ce jour] la délégation accordée à la FFC comprend les disciplines se pratiquant au moyen d’un cycle au sens des points 6.10 et 6.11 […] du code de la route.
Or, ces points sont notamment ceux qui stipulent la législation qui définit clairement nos VTT à assistance électrique : moins de 25 km/h, moins de 250 W, pas d’assistance sans pédalage. En 2018 déjà, le ministère avait autorisé la FFC à organiser des compétitions VTTAE. On pourrait supposer que ce soit un argument valable de plus en faveur de la Fédération Française de Cyclisme.
Mais la lecture détaillée du jugement laisse apparaitre qu’à aucun moment, cet argument n’a été pris en compte. Au lieu de ça, il réaffirme une notion essentielle en cas de litige. Lorsqu’il s’agit de trancher, organes d’état et justice remontent toujours aux fondamentaux de la République : ses textes de loi. Ici, en l’absence de tout autre travaux législatif probant, le code de la route !

La suite ?
Dans son jugement, le tribunal judiciaire de Paris rappelle d’ailleurs qu’il se garde bien d’aller au delà de ses prérogatives. Il indique qu’il appartiendra au ministère des sports de désigner la fédération délégataire en matière de VTTAE.
Ce jugement et ses fondements sont néanmoins des arguments de poids pour la Fédération Française de Cyclisme. D’autant que dans cette affaire, la FFM est condamnée à transmettre la propriété intellectuelle des 23 marques verbales concernées par ce litige à la FFC, et à communiquer sur ce fait. Les 15 marques semi-figuratives qui étaient en jeu sont annulées.
Un jugement sur lequel s’appuyer, lui même fondé sur un texte fondamental de la République, et la propriété intellectuelle de termes clés pour le développement de la pratique. Le verdict final n’est pas tombé, mais la balance commence à pencher pour la FFC. La suite d’ici l’été, puisque c’est vraisemblablement dans ce timing que la délégation devrait être attribuée. La balle est désormais dans le camp du ministère des sports…