On se questionne souvent sur ce qui motive un athlète. Entre autre, il y a une certaine passion, un certain amour pour son sport. C’est en tout cas ce qui transpire après la participation de Nadine Sapin à la seconde édition des championnats du monde de VTTAE XC.
L’espace de cet article, notre ambassadrice revient sur une édition tourmentée et controversée qu’elle s’est bien gardée de commenter à chaud. Au lieu de ça, elle nous propose un récit à tête reposée.
Un retour où, même à froid, l’amertume reste présente. Pas tant sur la performance en elle-même, mais sur le sens à donner à tout ça. Chez un sportif, c’est un signe qui convainc qu’il y a mieux à faire. Et puisque c’est bientôt l’heure des vœux : faisons celui de voir un sport trouver sa voie…
Temps de lecture estimé : 12 minutes – Photos : Liv / Sven Martin et équipe de France (Patrick Pichon)
Championnats du Monde de VTTAE XC 2020
[dropcap size=big]C[/dropcap]omme j’en ai l’habitude en piste, une fois le chrono lancé, je n’irai pas par quatre chemins. Pour avoir participé, l’année dernière, aux tous premiers championnats du monde de VTTAE XC à Mont St Anne, au Canada, j’avais espoir que l’UCI progresse et s’améliore en 2020. Notamment en proposant un parcours adéquat pour cette jeune discipline qu’est le VTTAE en compétition.
L’année dernière, dans l’ensemble, nous avions eu un parcours varié, trop timide au niveau des difficultés, mais l’idée était là. La principale “critique” se portait sur la montée technique pas assez dure et longue pour vraiment favoriser le vrai pilotage. Le circuit comptait également de trop nombreuses portions en faux-plats au-dessus de la régulation de vitesse à laquelle le moteur coupe… sans aucun intérêt. Mais il y avait de l’intention. Les descentes étaient soutenues, le parcours était spécifique pour le VTTAE. Pour une première, c’était pas si mal !
Quoi qu’il en soit, cette épreuve était prometteuse. Une bonne base sur laquelle il était possible de construire quelque chose et d’évoluer.
C’est pourquoi, cette année, j’espérais vraiment que l’épreuve soit à l’image du VTTAE. C’est d’ailleurs ce qui m’a motivé à faire le déplacement avec Jérôme Gilloux, un ami spécialiste lui aussi de cette discipline, qui espérait fortement gagner le titre cette année – Jérôme ayant été sacré vice-champion en 2019. Mais avant notre déplacement, l’UCI n’avait pas du tout communiqué sur la course. A part, nous rappeler les quelques grands points du règlement, ça a été silence radio ! Mauvaise augure ?!
En débarquant à Leogang, ma première mauvaise surprise est de voir sur les cartes UCI que le parcours de VTTAE était le même que celui du VTT XCO, hormis 3 petites bouclettes supplémentaires.
Sans avoir mis un pied sur le terrain, la motivation était déjà descendue d’un cran. La comparaison entre VTT/VTTAE allait forcément se faire. Et bien sûr, si le parcours était adapté au XC pour les épreuves reines, il ne l’était pas pour le VTTAE. Mettons-nous à la place de quelqu’un qui n’y connait rien au vélo. Que penser de voir des pilotes faire la même chose en VTT et en VTTAE ? Que l’épreuve de VTTAE est destinée aux athlètes de second niveau ?! Que c’est un jeu ?! Quel est l’intérêt ?
Moi en tout cas, je me pose la question : où est la valorisation de cette discipline ? Comment peut-on espérer développer et améliorer l’image du VTTAE sportif de cette façon ? Le circuit pouvant se faire à fond par des VTT semi-rigide en 100 mm, nous voilà avec des VTT à assistance au pédalage et 140 à 160 mm de débattement… Complètement surdimensionnés pour un même parcours de XC ! C’est un peu ridicule non ?
À tort, on se heurte encore tous les jours à des réflexions du style “c’est pour les vieux”, “c’est pour les flemmards”, “non, je ne suis pas encore assez âgé” “c’est pas du vélo”… Et là, cela ne peut que conforter ces opinions.
Pour essayer de se rassurer un peu, nous sommes allés reconnaître à pieds une partie du parcours juste avant la nuit. Quelle déception ! 90% du parcours fraîchement tracé à travers des pistes de ski (une ligne droite, un virage, une ligne droite, un virage…) avec 2 ou 3 descentes faciles dans les bois. C’était tellement frais que les organisateurs avaient mis des plaques en plastique pleines de gravillons dedans pour que ça roule bien… aucune difficulté ! Il ne manquait plus qu’ils goudronnent pour que ça roule encore mieux !
Le lendemain, reconnaissances à vélo. Pour ma part, je découvrais le tout dernier Liv, l’Intrigue E+ 1 PRO que la marque m’avait prêté en toute dernière minute pour l’occasion. (J’en profite d’ailleurs ici pour encore les remercier.) Je n’avais jamais roulé avec ce vélo donc j’ai passé du temps sur le parcours pour faire mes petits réglages.
Pendant ce temps, je pense que Jérôme a dû faire deux tours seulement. A quoi bon se fatiguer après tout… En, résumé, ce jour-là, le temps étant sec, le terrain l’était aussi et il n’y avait aucune difficulté à part peut-être un virage serré en montée à bien négocier.
Les seules questions qui se posaient après ces premières recos, consistaient à trouver où faire la différence … Faut-il mettre des pneus slicks à l’arrière ?
Heureusement et malheureusement, la pluie est venue jouer les troubles fêtes les jours suivants, rendant les reconnaissances glissantes. Le terrain s’est creusé et s’est abîmé progressivement. Comme le tracé était tout frais, dans une sorte de terre molle, des petites ornières sont apparues dans les virages, même en montée! Le mélange boue/gravillons a créé une espèce de pâte molle à certains endroits où il ne fallait surtout pas mettre les roues. Techniquement le parcours s’est forcément durcit.
Le jour J, la course des hommes s’est déroulée sous un déluge ! Le terrain s’est transformé en champs de boue. Surtout que l’organisation a eu “la bonne” idée de faire rouler une moto de cross devant les premiers concurrents – et ce à chaque tour ! Sans rire : ils ont eu peur qu’on se perdent en tournant en rond entre deux rangées de rubalises continues ?!
Bref, cette moto n’a rien arrangé. Elle a défoncé le terrain qui était déjà une bouillasse immonde dans certains passages. Les ornières sont devenues énormes, les racines sont sorties et ont été mises à nue. Ça ne glisse pas vraiment mais c’était presque inroulable par endroits tellement la terre retournée était profonde.
Pour la course des filles qui partait 30min après la fin de celle des hommes, le temps s’est calmé. Tant mieux pour la température, mais pour le terrain, c’était bien pire.
Tant qu’il pleuvait, ça allait à peu près car la terre ne collait pas trop (1er tour)… Mais dès que la pluie a cessé (les tours suivants), le terrain absorbant très vite, c’était beaucoup moins praticable. Si certains ont vu l’épreuve de descente à la télé quelques jours plus tard, ils ont pu se rendre compte de la transformation rapide du terrain en fonction de la présence ou non de pluie. D’ailleurs pas la peine d’en dire plus, les photos parlent d’elles même.
En ce qui me concerne, la course était inintéressante au possible compte tenu du parcours et des conditions. En plus, dès la première descente, j’ai été prise dans une chute avec la concurrente qui me devançait. Elle s’est étalée par terre juste devant moi sur une petite descente. Je ne m’y attendais vraiment pas. Il semble du coup que ma transmission a été abimée car pour la suite du parcours j’ai eu beaucoup de problème avec elle, ce qui m’a enlevé toutes chances d’essayer de suivre les premières. Faut dire que les vélos étaient dans un tel état à l’arrivée que le moindre problème technique ne pardonnait pas.
Quoi qu’il en soit, ça a permis quand même à certains pilotes telle que Mélanie Pugin, très affûtée cette année, de faire la différence grâce à son expérience dans des conditions très boueuse qui nécessitent aussi bien de la technique, que du physique.
Bref, La pluie a bien durci la course, 2 titres ont été attribués sur les qualités à déployer dans ces conditions. Sur ce point, rien à dire. Bravo aux champions qui ont performé ce jour-là. On peut aussi, à cette occasion, remercier l’UCI de faire des championnats pour que cette discipline soit bien affiliée au monde du vélo. C’est vraiment important dans le contexte actuel.
Par contre, si on prend du recul et qu’on se tourne vers l’avenir, il faut vraiment que l’UCI prenne correctement en mains l’organisation si elle veut faire éclore cette discipline. Il ne s’agit pas de copier le même tracé que le XC pour simplifier les choses. On “se moquait gentiment” des premières courses de VTTAE dans le monde de la moto. Elles se couraient sur des circuits de motocross plats avec d’énormes bosses défoncées inroulables en vélo.
Quelque part, l’UCI ne fait pas vraiment mieux. En effet, si on continue le rapprochement avec le monde de la moto, c’est un peu comme organiser une course sur un terrain aseptisé, avec des motos du Dakar, sous prétexte de ne pas trop vouloir s’embêter avec le parcours et pour que les pilotes “stars” de moto GP puissent y participer (voir même gagner) ?!
La preuve en est que des athlètes qui ne sont jamais montés sur un VTTAE, mais qui sont des champions en XC ou en Cyclocross, ne rencontrent aucune difficulté à faire ce genre d’épreuve. Certes, ce sont des athlètes, des prodiges même (comme Tom Pidcock), des top pilotes. Mais même un prodige devrait avoir besoin de travailler la discipline. Ça prouverait qu’il s’agit bien d’un sport à part entière. Pour l’heure et comme l’an passé, beaucoup ne sont là que par sollicitation de leurs sponsors. Ils prennent en mains le vélo aux recos, sur un parcours sans difficulté, et sont capables de jouer la gagne. Puis, ils ne toucheront plus ce type de vélo jusqu’à l’année d’après !
Alors certes, il y a de beaux noms sur la ligne de départ. Certes ça fait du prestige et fait l’attraction, mais où est le réel intérêt du VTTAE ? Ça fait rêver les jeunes ? Ça vous fait rêver ? Pas moi ! Ça m’énerve ! Le principe n’est en rien représentatif du sport que peut constituer la pratique du VTT à assistance électrique, et cela ne base pas le succès de la discipline sur ses valeurs intrinsèques. Je n’oserais même pas dire que c’est du cirque, puisque, sous un chapiteau, au moins, on admire chaque artiste pour la maîtrise de son art…
Au départ déjà, l’erreur est d’attribuer le terme “XC” à ces championnats. On a des vélos qui ressemblent à tout sauf à des vélos de XC ! Ce format ne peut donc pas “coller” à l’image du VTTAE telle qu’elle devrait être actuellement.
Ces vélos sont, par définition, des vélos avec une assistance au pédalage, donc le parcours doit être adapté à cette particularité. La force musculaire n’est plus essentielle. C’est ce qui fait la différence avec un VTT classique. On ne demande pas des montées impossibles, ce serait ridicule, mais suffisamment d’enchaînements de parties techniques et pentues pour faire la différence grâce à l’expérience et au pilotage.
Même principe pour les descentes ! Nos 140 ou 160 mm de suspension doivent nous servir. Un pilote qui ne fait “que” du Cyclocross ne devrait pas être aussi à l’aise à ce niveau-là. Et si on en revient au comparatif avec les vélos XC, la descente ne devrait pas pouvoir se faire avec un 100mm semi-rigide. Il ne faut pas avoir peur, on est armé avec ces vélos (quand on sait les piloter).
Seuls les pilotes maîtrisant techniquement les trajectoires, l’adéquation entre puissance moteur/adhérence et qui sont habitués au poids d’un VTTAE devraient tirer leur épingle du jeu. Les pilotes doivent trouver de l’intérêt à s’entraîner et à rouler toute l’année en VTTAE. Alors à ce moment-là, la discipline prendra son envol toute seule sans écraser les autres pour autant.
Reste la gestion de la batterie. Un changement de batterie est-il à envisager afin de ne pas pénaliser les plus petites capacités ? On en a eu encore l’exemple cette année dans la course homme et femme, les batteries en 700 / 750 Wh ont terminé devant les autres. D’après Jérôme, il n’a pas eu la possibilité de tenir Thomas Pidcock dans le dernier tour alors qu’il l’avait dominé dans tous les autres, car il entamait la dernière partie de sa batterie de 625 Wh.
La course ne doit donc pas dépendre de la capacité des batteries. Là aussi, une réflexion doit être menée. On pourrait aussi exiger aux différentes marques participant aux championnats de fournir à leurs athlètes des batteries de même capacité. Il suffit d’adapter le nombre de cellules à l’intérieur ou de fabriquer des plus petites batteries avec des adaptateurs… Il y a forcément des solutions !
Cependant, il est clair que ce type d’organisation demande du temps, de la réflexion, bien en amont de la course pour que tout le monde puisse s’adapter ! Des experts, des vrais pratiquants et les marques devraient participer à cette réflexion afin de trouver un modèle de course intéressant pour l’ensemble des acteurs !
Pour en terminer avec ma réflexion sur le sujet, voici ma vision des choses pour résoudre certains problèmes : partons d’abord des capacités d’un VTTAE, de ce qu’il apporte de plus qu’un VTT, des caractéristiques techniques du moment (débattement, batterie) afin de faire des courses qui collent à la discipline et non l’inverse !
En ce qui me concerne, je pense que je ne retournerai plus sur ce genre de courses. Certes, porter le maillot de l’équipe de France était un plaisir et j’en suis très contente. Mais bon déjà, le principe de tourner en rond n’est pas trop mon truc, mais là, encore moins. L’organisation trop légère pour notre discipline (informations, contrôles) et des parcours artificiels inadaptés à nos vélos ont eu raison de ma motivation. Bien sûr, je ne tiens pas compte des conditions météo de cette année mais par temps sec, la course aurait été tout aussi inadaptée.
Je suis bien mieux dans nos montagnes en rando. Je me régale également sur d’autres belles courses de VTTAE organisées par des passionnés. J’espère quand même que ces compétitions “officielles” “UCI” évolueront ; que les organisateurs prendront conscience du problème et se donneront les moyens de les améliorer. Pour le VTTAE, pour les athlètes concernés, et pour que la compétition puisse continuer à servir d’élément d’inspiration et non de raillerie, il faut que le principe de l’épreuve prenne une autre direction !