Mini prix, mais il fait le maximum !
La motorisation Shimano EP6 bénéficie quasiment des mêmes performances que l’EP8, mais à un tarif nettement plus abordable. Le système à la fois polyvalent et puissant qui annonce un couple de 85 Nm est donc idéal pour équiper les VTTAE de gamme moyenne. Alors, quand l’occasion nous a été présentée d’effectuer quelques sorties avec le Polygon Siskiu T6e à 3 599 euros qui utilise ce moteur, nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de vous le présenter… Et on ne l’a pas regretté !
Par Chris Caprin – Photos : Chris Caprin et Fagerbé

Shimano EP6
- Vélo de test : Polygon Siskiu T6e
- Poids du moteur : 3 kg
- Carters : aluminium
- Puissance : 250 watts
- Assistance maxi : 400 watts en crête
- Couple maxi : 85 Nm
- Compatible Auto Shift et Free Shift
- Modes d’assistance : 3 (Eco, Trail, Boost) et jusqu’à 12 modes de Trail en profil Fine Tune Mode
- Assistance à la marche : oui
- Batterie : Shimano Steps E8000 504 Wh
- Console : Shimano EN600 écran multifonctions plus affichage de couleur (bleu, vert, jaune) selon le mode d’assistance
- Commande : Shimano EN600-L
- Application pour réglages moteur : oui (Shimano E-Tube)
Aujourd’hui, les VTTAE atteignent des prix astronomiques et à juste titre, vous êtes nombreux à vous en plaindre… Car pour la grande majorité des pratiquants, il est impossible – ou du moins pas raisonnable du tout – de mettre un budget entre 7 000 et 10 000 euros dans l’achat d’un vélo, fût-il à assistance électrique. Et pour réduire au maximum les coûts, hormis le choix de composants bon marché, le meilleur moyen pour faire des économies, c’est de monter une motorisation moins chère… justement l’une des caractéristiques de l’EP6. Mais le jeux en vaut-il la chandelle ? Les performances sont-elles suffisantes pour une vraie utilisation en tout-terrain difficile ? Il est vrai qu’au départ, on peut se poser la question.
Apparu en 2022 dans l’indifférence quasi-générale du petit monde du VTT à assistance électrique, le Shimano EP6 possède pourtant de nombreuses qualités. En effet, même si son poids est un peu plus élevé que l’EP801 (3 kg au lieu de 2,650 kg), il possède un couple généreux de 85 Nm et bénéficie pratiquement de toutes les dernières évolutions apportées par Shimano sur les motorisations récentes. On citera, par exemple, les systèmes de passage automatique des vitesses Auto Shift et Free Shift, l’ensemble console/commande EN600 ou la compatibilité avec le nouveau paramétrage des nombreux modes Trail désormais disponibles. En gros, c’est une sorte d’EP8 amélioré avec une puissance en crête qui monte à 400 % et pratiquement tous les avantages des dernières évolutions haut de gamme du 801. Le tout proposé à un tarif nettement plus abordable en première monte pour les marques… Le beurre et l’argent du beurre, comme on dit !
L’idée était donc de voir ce que valait cette motorisation Shimano EP6 montée dans le cadre d’un VTTAE polyvalent tout-suspendu à moins de 3 600 euros. Et avec ses 140 mm de débattement, sa fourche en 150, ses roues de 29 pouces à l’avant comme à l’arrière, sa batterie de 504 Wh et ses composants au plus juste prix, le Polygon “made in Indonesia” m’a semblé être l’exemple parfait de ce que l’on pourrait appeler un VTT à assistance électrique abordable.
Mais avant d’aller essayer tout ça sur les chemins et de vous dire ce que ça donne, nous allons rapidement faire un petit tour d’horizon afin de voir à quoi ressemble ce nouveau moteur dérivé de l’ancien EP8…
Sur le papier
Déjà, et ce n’est pas rien, je précise que ce Polygon est équipé d’un système 100 % Shimano. En effet, le bloc EP6 est alimenté par une batterie maison de 504 Wh, son faisceau électrique, sa commande et sa console. De quoi rassurer l’acheteur potentiel sur la fiabilité du produit, le sérieux du SAV et les performances globales de l’ensemble moteur/batterie.
Mais en plus des caractéristiques citées plus haut concernant le bloc, on trouve également des commandes au guidon de très bonne qualité avec le pack EN600. D’un côté, au pouce gauche, on a un commodo ergonomique avec bouton de mise en route, d’éclairage, de pilotage des plages de fonctions de l’écran et, évidemment, les pods + et – des modes d’assistance. De l’autre, fixé à droite de la potence, très compacte et bien protégée des impacts, la nouvelle console avec son écran couleur parfaitement lisible, même en plein soleil.





Les tableaux de bord personnalisables offrent la possibilité de choisir quatre types d’informations par écran. Celles-ci s’affichent d’un simple clic avec le pouce. De plus, la console permet de contrôler facilement – entre autres – le niveau de charge de batterie par tranche de 10 %, les modes d’assistance choisis et la transmission automatique (en cas de montage d’un dérailleur électrique Di2, évidemment).
Je vais d’ailleurs en profiter pour expliquer comment cela fonctionne à ceux qui l’ignorent…
Transmission automatique
En cas de connexion avec un dérailleur XT Di2 électrique, l’EP6 bénéficie des fonctions Auto Shift et Free Shift… Une option qui peut avoir son intérêt – y compris sur un modèle plus abordable.
L’Auto Shift pour VTTAE vise à aider les pilotes à trouver le bon flow en montée, en descente et sur tous les types de sentiers. Le système de changement de vitesse automatique associe le confort de l’automatisation et la maîtrise manuelle. L’Auto Shift a été mis au point pour vous maintenir en permanence sur le bon rapport, tout en vous permettant de contourner l’algorithme si vous souhaitez réaliser un changement de vitesse manuel.
En clair, la technologie de la transmission automatique surveille votre dynamique de pédalage afin de vous maintenir sur le bon rapport et de vous permettre de vous concentrer sur ce qui compte… A savoir le pilotage.
Plusieurs capteurs du système mesurent en continu la cadence, le couple développé et la vitesse pour choisir automatiquement le meilleur rapport sans avoir besoin de réaliser un changement de vitesse manuel. Quand la vitesse et la cadence diminuent, le système choisit un rapport plus facile. Quand vous commencez à pédaler et que la vitesse augmente, il passe progressivement sur les pignons plus bas de la cassette, vous permettant ainsi d’être toujours sur le bon rapport au bon moment. De plus, le réglage fin via l’application E-Tube Project offre la possibilité de se faire une sélection des vitesses aux petits oignons en fonction de sa cadence de pédalage et de la réponse que l’on souhaite en fonction des sentiers plus ou moins techniques que l’on emprunte.
Ensuite, grâce au Free Shift, le fait de pouvoir se retrouver sur le bon rapport sans devoir pédaler va changer également la manière dont vous abordez les virages en vous aidant à rester concentré sur votre trajectoire et sur le maintien d’une position stable du corps, pour ensuite obtenir une meilleure maîtrise et une accélération supérieure à la relance. Alors, comment ça marche ? Eh bien comme avec le Sram Eagle Powertrain, en roue libre, l’unité motrice utilise juste ce qu’il faut d’énergie pour faire tourner le plateau – qui, du coup, entraîne la cassette en vue d’un changement de vitesse fluide –, tout cela, bien sûr, sans aucun impact sur l’accélération du vélo.
Notez bien qu’en toute logique, l’Auto Shift et le Free Shift ne sont opérationnels que sur les VTTAE équipés d’une transmission électrique Shimano Di2.
Réglages
Via l’application E-Tube, tous les modes et les paramètres sont entièrement personnalisables, aussi bien chez vous que pendant votre balade à l’aide de votre smartphone. Cela permet à l’utilisateur d’adapter le système à son niveau, comme aux terrains sur lesquels il évolue. Ainsi, les modes Eco, Trail et Boost peuvent être personnalisés chacun sur 12 niveaux différents, alors que le couple moteur peut être réglé au choix entre 20 et 85 Nm.
Il existe également 5 paramétrages possibles du mode de démarrage de l’assistance qui peuvent tous être enregistrés sous différents profils d’utilisateurs et pour différents types de sorties, comme par exemple une simple balade ou, au contraire, une séance engagée sur terrain très accidenté. Toutes ces informations peuvent être sauvegardées comme préférences personnelles du pilote sur les deux profils. L’utilisateur peut ainsi basculer facilement de l’un à l’autre sur le terrain via l’écran de contrôle.
Ci-dessous, voilà les différents réglages de paramètres que je préconise pour une pratique sportive avec réglages généreux de l’assistance (Profil 1) ou plus intuitive et un peu moins énergivore (Profil 2). Pour ce dernier, même s’il est possible de monter jusqu’à douze modes Trail différents, après pas mal d’essais, j’ai choisi de n’en sélectionner que trois… C’est mon choix, mais ça n’a pas forcément valeur de référence.
Profil 1 (Mode de base) :
- Puissance : Eco : niveau 6, Trail : niveau 8, Boost : niveau 10
- Couple : Eco 49 Nm, Trail 85 Nm, Boost 85 Nm
- Force au démarrage : Eco, Trail et Boost 5 sur 5
Profil 2 (Mode réglage fin) :
- Puissance : Eco : niveau 1, Trail 1 : Niveau 3, Trail 2 : niveau 4, Trail 3 : niveau 5, Boost : niveau 7
- Couple : Eco 20 Nm, Trail 42, 56 et 70 Nm, Boost 85 Nm
- Force au démarrage : Eco 3, Trail 4, Boost 5
L’application E-Tube Project permet également de personnaliser les paramètres de changements de vitesses des nouvelles fonctions Auto Shift et Free Shift, tout cela afin d’offrir à chaque pratiquant une expérience à VTTAE taillée à sa mesure. L’application E-Tube Project permet d’adapter les paramètres du système à vos besoins et de mettre à jour le micrologiciel sans difficultés via une connexion sans fil. Les versions ultérieures offriront aux cyclistes de nouvelles options qui les aideront à encore mieux profiter de leur VTTAE.




Sur le terrain
Comme sur l’EP8, avec la nouvelle motorisation EP6, Shimano a repensé le fonctionnement et la personnalisation de ses trois modes d’assistance. Ainsi, le plus élevé, à savoir le Boost, peut désormais délivrer un couple maximal de 85 Nm et une puissance en crête de 400 %, ce qui permet aux pratiquants les plus exigeants d’affronter les sentiers en montée déjà bien techniques.
Le mode Trail, lui, peut aussi atteindre les 85 Nm, mais il est bien plus réactif en fonction de la force exercée sur les pédales. C’est-à-dire qu’il a un comportement moins violent que le Boost, qu’il faut davantage appuyer pour obtenir le meilleur de l’assistance quand la pente est moins raide. En revanche, lorsque le pourcentage augmente, l’aide au pédalage s’intensifie grâce au capteur de pente et on arrive quasiment à des performances en crête identiques à celle du mode plus puissant… Avec un peu de couple en plus, ce qui permet de gagner en motricité sur les terrains glissants et fuyants. Et honnêtement, dans la mesure où l’on ne va pas chercher les montées les plus extrêmes, l’EP6 reste à la hauteur pour qui souhaite grimper et franchir le maximum d’obstacles en tout-terrain sérieux…

En réglant les paramètres, il est possible d’économiser l’autonomie de la batterie avec un couple inférieur ou, au contraire, de disposer d’une puissance maximale et de 85 Nm qui arrivent nettement plus tôt que sur la précédente version de l’EP8. C’est cet algorithme de ratio d’assistance intelligent qui rend le mode Trail bien plus polyvalent.
En un peu moins performant, on se rapproche du mode eMTB de Bosch, avec quand même une assistance un poil plus “molle” quand le dénivelé positif est très important. Mais dans l’ensemble, à l’attaque des passages techniques et des franchissements, on a largement de quoi faire, y compris avec un VTTAE plutôt lourd comme le Polygon Siskiu. Il suffit juste d’optimiser au mieux les réglages, de bien paramétrer son assistance (comme expliqué plus loin) et il y a largement de quoi s’amuser !
Et c’est ainsi que, sans même vraiment le calculer, presque naturellement, je me suis retrouvé à attaquer une petite “Power Stage” avec un bon dénivelé positif et quelques passages costauds… Je dois avouer que les performances globales du moteur m’ont quand même impressionné et que les deux arrêts de progression – dont je me suis sorti en me relançant avec un bon pied “anglais” – étaient plutôt dus à un léger manque de dynamisme du vélo. Ce qui, pour un modèle à 3 599 euros, n’est finalement pas surprenant.
On pourrait donc supposer que, sur le premier prix d’une gamme de VTTAE en carbone équipée pour les plus chers en EP801, le montage d’un EP6 pourrait carrément s’avérer judicieux. Cela permettrait, avec des composants plus basiques – mais cohérents – et une batterie de 500 Wh, de proposer un bike à un poids et à un tarif susceptibles d’attirer une clientèle dont le budget ne dépasse pas 4 000 euros. Enfin moi, je lance ça en l’air, comme ça, hein… Mais l’idée ne me paraît pas si saugrenue !
Ce qui est intéressant également avec le moteur Shimano EP6, c’est son encombrement réduit qui le rend facile à intégrer dans la plupart des différents concepts de VTTAE existants sur le marché… Même dans l’optique d’un modèle léger (3 kg, ça reste raisonnable, surtout avec une batterie de 500 Wh) –, l’EP6 trouve toujours sa place et saura s’adapter à une grande palette de marques et de cinématiques de suspension.

En clair, il y a toujours une solution et peu importe le châssis – même celui assez basique d’un modèle bon marché comme le Siskiu – le petit groupe propulseur à l’assistance très progressive, suffisamment puissante, gorgée de couple et aux nombreuses possibilités de paramétrages parvient à s’en sortir avec les honneurs dans tous les cas de figures. Une sacrée bonne surprise et une solution judicieuse pour proposer des VTTAE plus abordables financièrement ou, éventuellement, pour améliorer la qualité de certains composants sans alourdir la facture. A méditer. En tout cas, ce petit EP6 m’a largement convaincu…
Autonomie
Pas particulièrement léger et pas non plus doté d’un excellent rendement, avec sa batterie de 504 Wh, le Polygon Siskiu T6e s’en sort plutôt bien au niveau de l’autonomie. Avec le nouveau moteur EP6, un peu moins performant que l’EP801, cela donne 1 250 m de dénivelé positif et à peine 50 km pour un pilote de 70 kilos sur des sentiers techniques en collines et petites montagnes dans la région PACA. Des chiffres finalement assez corrects qui – étonnamment – ne sont pas si éloignés que ça de ceux d’un Cannondale Moterra SL et sa batterie Darfon de 600 Wh… Intéressant, non ?
Bon après, dès que l’on s’attaque à du plus technique et du plus raide en montée et que l’on utilise davantage le Boost, le Siskiu T6e ne bénéficiant pas d’une paire de roues très performantes, on descend à 1 100 m de D+ et seulement une quarantaine de kilomètres. Ce qui, avec 504 Wh, reste satisfaisant.
Autrement, j’ai beaucoup apprécié la console EN600 qui affiche le niveau d’autonomie restant par tranches de 10 %… Tout comme la commande qui passe au rouge lorsqu’il ne reste plus que 20 % dans la batterie, puis qui se met à clignoter en arrivant sur les 10 derniers, quand l’assistance se met automatiquement en mode “Eco faiblard”. A partir de là, on dispose de quoi faire à peu près 200 m de D+ ou une petite dizaine de kilomètres sur le plat, ce qui est plutôt pas mal.

Conclusion
Que dire de ce moteur Shimano EP6, si ce n’est qu’il fait bougrement bien le job… Que ce soit du côté de l’assistance, avec largement de quoi évoluer en tout-terrain technique, de l’encombrement réduit ou de l’autonomie, il répond présent à chaque fois et de fort belle manière. Dire que j’ai été agréablement surpris est un euphémisme et même si l’EP801 est évidemment au-dessus en termes de performances, il ne m’a jamais laissé en rade dans les passages difficiles en montée. Validé à 100 %, tout comme le Polygon Siskiu T6e sur lequel il est monté, qui, pour la somme de 3 599 euros, permet d’accéder à la pratique du VTTAE sans avoir à casser son PEL ! Un ensemble très cohérent, qui méritait bien ce coup de projecteur…