Démarrage en douceur !
Après avoir mûrement réfléchi, Sram a finalement décidé de s’appuyer sur l’expérience du motoriste Brose pour son arrivée sur le marché de la motorisation VTT. Un démarrage en douceur qui aura aussi permis de ne pas mettre la charrue avant les bœufs en proposant en premier une transmission qui s’est révélée par la suite en accord parfait avec le système Eagle Powertrain et son Auto Shift… Il faut apprendre à marcher avant de vouloir courir et Sram l’a bien compris. Mais attention, avec ses concepts originaux, la marque s’est tout de même bien chargée de nous faire sauter dans le futur à pieds joints ! Petit bilan après plusieurs semaines de roulage.
Par Chris Caprin – Photos : Chris Caprin et Fagerbé
Sram Eagle Powertrain Powered by Brose
- Poids : 2,9 kg
- Carters : magnésium
- Puissance : 250 watts
- Assistance maxi : 680 watts en crête
- Couple maxi : 90 Nm
- Modes d’assistance : 2 (Range et Rally)
- Assistance à la marche : oui
- Batterie : 630 Wh (3 kg) ou 720 Wh (4,1 kg) selon le type de cadre, et Range Extender de 250 Wh (1,5 kg environ)
- Console : Eagle Powertrain AXS Display avec nombreuses fonctions, intégrée dans le top tube
- Commande : AXS Pod Controller uniquement
- Application pour réglages moteur : oui, avec l’AXS App
- Disponibilité : début 2024 sur les nouveaux modèles GASGAS, Transition, Nukeproof et Propain…
- Lien : www.sram.com/fr
Cela fait maintenant plusieurs années que Sram travaille sur un projet de motorisation pour les vélos à assistance électrique capable de s’accorder avec son écosystème AXS et les différents éléments sans fil qui le composent (dérailleur, Pod Controller, console AXS Bridge Display, tige de selle télescopique AXS), mais aussi les nouvelles options Auto Shift et Coast Shift sur lesquelles nous reviendront plus tard… Le but ? Diminuer au maximum les gestes inutiles pour libérer le cerveau du pilote de certaines contraintes et lui permettre de se concentrer davantage sur le terrain.
Seulement voilà, fabriquer un bloc moteur capable immédiatement de supporter les performances imposées par un software maison très exigeant est loin d’être évident… Et à force de tourner et retourner l’idée dans leurs têtes, les ingénieurs du R&D ont décidés sagement de s’appuyer sur les connaissances, les compétences et le savoir-faire d’une marque allemande spécialisée et fiable. C’est donc Brose qui fournit la partie mécanique de cette nouvelle assistance Eagle Powertrain, pendant que Sram s’occupe du software et d’une cartographie spécifique et originale.
Sram Powered by Brose…
Le système d’assistance “Powered by Brose” possède seulement deux modes différents en fonction de l’attente du pilote. Le Range réduit légèrement le couple et l’assistance, et augmente l’autonomie lors d’une utilisation plus calme, alors que le Rally offre le maximum de puissance pour un usage plus orienté compétition. Si l’on choisit cette option, le moteur fournit un couple de 90 Nm et une assistance en crête de 680 %, ce qui, allié à l’onctuosité et au silence légendaires du Brose, est censé assurer d’excellentes performances ainsi qu’un pédalage très naturel.
Pour commander tout cela, on passe obligatoirement par un Pod Controller similaire dans la forme à celui que l’on trouve sur la nouvelle transmission Eagle T-Type, mais qui possède davantage de fonctions selon l’endroit (gauche, droite, haut, bas) où l’on appuie. Mais ça ne s’arrête pas là, car en fait, tout (ou presque !) repose sur la console AXS Bridge Display intégrée sur le dessus du top tube. C’est le cerveau du système et elle peut être considérée comme un véritable prolongement de l’AXS App. Son seul défaut : le peu d’informations disponibles sur l’écran – surtout comparé à ce que propose Specialized avec sa TCU Mastermind, pourtant très ressemblante esthétiquement… Sur le papier, les composants, du Pod Controller au dérailleur, en passant par la console, la batterie et le moteur, forment donc un tout qui fonctionne en parfaite harmonie.
Ensuite, une fois que l’on a réalisé l’appairage entre les différents éléments de l’éco système, si l’on n’a pas envie de se prendre la tête, le vélo est prêt pour rouler. Simplement, pour profiter pleinement de tous les avantages et possibilités de réglages, il est fortement recommandé de télécharger l’application Sram AXS… et de s’en servir !
Enfin, côté batterie, on dispose de deux modèles au choix de 630 ou 720 Wh qui pèsent respectivement 3 et 4,1 kg et s’intègrent parfaitement dans le top tube en fonction du design de celui-ci. Et si besoin est, il est possible d’acquérir un Range Extender de 250 Wh qui augmente l’autonomie de 25 à 30 %.
L’Auto Shift et le Coast Shift, qu’est-ce que c’est ?
Alors que Shimano vient de nous proposer un concept équivalent – tout de moins sur le papier –, il est clair que Sram ne s’est pas endormi non plus et est prêt lui aussi à sortir un système de sélection automatique des braquets… Ainsi, sans avoir à toucher à la commande Pod Controller, l’Auto Shift passe les vitesses automatiquement en fonction de l’inclinaison de la pente et de la force appliquée sur les pédales. Le pilote peut ainsi se concentrer uniquement sur ce qu’il se passe sur le terrain sans s’occuper de choisir le braquet le plus approprié… L’algorithme de l’Auto Shift agit comme une sorte de sixième sens et se charge de mesurer la cadence de pédalage, faisant en sorte qu’elle soit la plus régulière possible en montant ou descendant les vitesses automatiquement. Pour plus de confort, via l’application AXS, il est évidemment possible de paramétrer les plages de l’Auto Shift en fonction des préférences de chacun (cadence de pédalage, type de pratique…) en déplaçant le curseur de la position Mid de série vers + 1, + 2 ou + 3 et – 1, – 2 ou – 3. Simple, sensible et efficace.
On note aussi qu’avec l’Auto Shift en marche, grâce à un couple encore plus élevé disponible, le démarrage sur le plat mais surtout en côte est facilité sur un plus grand choix de rapports, ce qui aidera les pratiquants qui pédalent à des cadences relativement basses.
Quant au Coast Shift, il permet au pilote de changer de vitesse sans pédaler. Le système aide le plateau à tourner automatiquement pendant les arrêts de pédalage et change de braquet en fonction de l’accélération ou de la décélération que provoquent les freinages ou les changement de dénivelés. Cela offre la possibilité – entre autres – de revenir immédiatement sur le bon rapport si l’on oublie de redescendre la chaîne sur la cassette dans la pente négative après une montée… et inversement. Bref cela évite aux débutants et aux distraits de s’emmêler les pinceaux !
Précisons également que l’Auto Shift et le Coast Shift sont compatibles uniquement avec les transmissions XX, XO et GX Eagle T-Type et qu’ils ne fonctionnent qu’avec le Sram Eagle Powertrain sans pouvoir s’adapter à aucun autre système de motorisation.
Sur le terrain
Concernant le niveau de l’assistance, avec seulement deux modes, on est malgré tout assez proche de la référence actuelle, j’ai nommé le Bosch Performance Line CX… Tout du moins ce qu’il est capable de donner en Tour + et en e-MTB avec les curseurs de paramétrage poussés à fond (ou presque). Le côté coup de pied au cul du Turbo en moins. Mais en tout-terrain difficile, vu que le couple généreux du Sram Eagle Powertain offre un vrai confort d’utilisation en étant moins exigeant et quasiment aussi efficace sur les obstacles en montée, on se passe plutôt bien d’un troisième mode un poil plus dynamique.
En fait, après pas mal de temps passé à rouler sur le Transition équipé du Powertrain, j’ai constaté une grande similitude avec le comportement du Specialized/Brose – une autre référence, plus grand public, et qui dispose d’un peu moins de caractère que le Bosch. En effet, le large spectre de la cadence de pédalage, le couple généreux et le côté silencieux du moteur sont autant d’atouts que partagent le Spé et le Sram. On sent bien que la philosophie des deux marques est assez proche et que l’idée principale est de simplifier la vie du pratiquant de base en lui offrant des solutions pour se concentrer le plus possible sur le pilotage. Et entre le côté “facile” du moteur, ses deux modes d’assistance seulement et l’Auto Shift dont nous reparlerons plus loin, j’avoue que c’est mission accomplie !
Je dis souvent qu’en tout-terrain, la souplesse du moteur est globalement plus efficace que la puissance pure. Et encore une fois, ça s’est révélé exact dans pas mal de cas… Avec le Sram, alors que je n’y étais jamais parvenu jusque-là, j’ai réussi deux montées très raides avec des marches au milieu qui cassent bien l’élan. Y compris au guidon de VTTAE pourtant équipés du moteur Bosch CX Race. Comme quoi, sous ses allures plus sages, l’Eagle Powertrain est finalement très efficace en situation sur le terrain. Et, sans faire de bruit ni être extrêmement démonstratif ou impressionnant, il ne m’a jamais laissé en rade dans les montées techniques que j’emprunte très régulièrement, bien au contraire !
Avec l’Auto Shift
Dans les montées, avec l’Auto Shift en position Mid, les vitesses ont tendance à passer un peu tardivement en fonction de l’inclinaison de la pente, ce qui fait que l’on est obligé d’appuyer plus fort sur les pédales et donc de solliciter davantage le couple du moteur. Par conséquent, ça aura pour effet de taper un peu plus dans la batterie qu’avec un passage des vitesses manuel que l’on exécute exactement au bon moment en fonction de la baisse de la cadence de pédalage. On a donc intérêt à le paramétrer comme il faut en fonction de son utilisation. Mais malgré tout, ce qui est intéressant, c’est que même avec le réglage d’origine, sur des sentiers techniques et des bonnes montées, je n’ai jamais eu à forcer outre mesure, ni subi le système. Le couple généreux du moteur (90 Nm) venant compenser facilement la baisse de vélocité. Baisse toute relative, avant que l’Auto Shift réagisse et fasse monter la chaîne sur le pignon du dessus.
Mais une fois les paramètres ajustés (très simples et accessibles via le Pod droit sur le terrain), en se positionnant sur + 2, j’ai trouvé le réglage qui me convenait presque parfaitement. Je dis presque, car sur + 2, les vitesses passent un poil plus tardivement que je l’aurais fait moi-même et sur + 3, ça va légèrement trop vite…
Mais ce qui est certain, je vous l’assure, c’est que j’ai réussi à franchir de sacrés coups de cul sans m’arrêter et sans intervenir en reprenant la main via le Pod Controller. Même en faisant exprès d’arriver assez vite devant le raidard, le système réagit plutôt bien, un peu en retard, certes, mais un peu plus rapidement et instinctivement que sur le Shimano EP801.
En tout cas, ce qui m’a paru évident, c’est que la carte mère et les différents capteurs lisent quand même sacrément bien le terrain. On peut même dire que l’ensemble se charge d’envoyer à merveille les informations au moteur et au dérailleur… Alors, même si ce n’est pas vraiment mon délire et que pour moi, un passage des vitesses judicieux fera toujours partie du pilotage sur un VTT classique ou un VTTAE, j’ai trouvé malgré tout le système assez bluffant. Et surtout idéal pour une majorité de pratiquants qui, par manque d’expérience, ont souvent du mal à rouler sur le bon braquet et, du coup, tapent dans la batterie et réduisent drastiquement son autonomie.
Autonomie
Pour une utilisation en colline technique et pas en montagne, je précise, avec une alternance de Range (60 %) et de Rally (40 %), il m’a fallu 65 km et 1 560 m de dénivelé positif pour venir à bout des 720 Wh de la batterie intégrée… Plutôt pas mal pour un Transition Repeater quand même bien typé “Gravity”, qui roule bien, certes, mais pas non plus comme un VTTAE gentre Trail équipé de pneus légers !
De plus, un des points forts du système d’assistance Sram Eagle Powertrain, c’est la façon très régulière dont se décharge la batterie. En effet, il n’y a quasiment aucune différence entre le kilométrage et le dénivelé positif que l’on peut faire avec les 50 premiers pourcents et les 50 derniers… C’est loin d’être le cas de toutes les motorisations et c’est vraiment appréciable de pouvoir savoir où l’on en est, sans redouter une baisse plus rapide du niveau de batterie une fois passés les 40 %.
Enfin, arrivé aux 10 % de batterie restants, le niveau s’affiche en rouge et l’assistance reste encore efficace, même en Rally. Puis, une fois en-dessous des 5 %, le moteur se met d’office en mode économie et donne le minimum pour faire quelques kilomètres avant de s’arrêter à 1 %. J’ai trouvé ça plutôt bien fichu, avec une puissance qui reste opérationnelle presque jusqu’au bout, avant de prévenir de manière progressive qu’il n’y aura bientôt plus de batterie.
Ce qui peut progresser…
En revanche, si l’on cherche vraiment la petite bête, là où la motorisation Sram perd un peu de terrain sur le Bosch, c’est quand on ajoute à celui-ci le mode Race… La puissance en crête est alors un peu plus franche, plus vive et surtout, elle permet – en tournant bien les jambes et comparée au Powertrain –, de maintenir une vitesse plus constante sans jamais faiblir. Quel que soit le pourcentage de la pente, mais principalement quand ça monte un peu moins raide, quand avoir du couple est moins important et que l’on peut donc quitter l’e-MTB. C’est là qu’il est possible de vraiment prendre de la vitesse en moulinant, tout en récupérant d’un passage où l’on s’est un peu mis dans le rouge et avant d’attaquer le suivant.
Cela demande évidemment de la technique, de l’habitude, une bonne vélocité et un excellent cardio, mais si c’est le cas, ça marche !
De plus, avec la présence d’un Extended Boost survitaminé en mode Race (l’assistance continue deux fois plus longtemps qu’en e-MTB lorsque l’on arrête de pédaler en abordant un obstacle), les franchissements sont un peu plus faciles avec le Bosch. A condition, bien sûr, de savoir maîtriser comme il faut son côté vigoureux, ce qui n’est pas donné à tout le monde ! C’est la raison pour laquelle je considère que, concernant une grande majorité de pratiquants, l’Eagle Powertrain est bien plus facile à maîtriser que le Bosch en Turbo et surtout en Race… Ce qui d’après moi, annonce clairement son succès.
Enfin, dernier petit bémol concernant l’assistance à la marche du Powertrain, si, une fois le positionnement bien ajusté (pas toujours évident selon l’inclinaison des leviers que l’on choisit), j’ai vraiment apprécié l’ergonomie et la réponse franche et précise des Pods Controllers, quand on descend du vélo, là, c’est une autre histoire. En effet, aller chercher le mode Walk en haut du Pod gauche – et surtout y rester en tenant le guidon et en passant les obstacles –, n’est vraiment pas chose aisée. Même avec un peu d’habitude, le pouce glisse, l’assistance s’arrête et en plus, elle ne repart pas facilement dès que l’on appuie à nouveau dessus. Bref, il y a moyen de faire mieux. Surtout comparé encore une fois au Smart System Bosch qui offre en plus le Hill Hold, véritable “frein à main” qui empêche le vélo de reculer dans la pente sans avoir à freiner si le pouce n’appuie plus sur la commande et qu’il y a arrêt de progression.
Points forts / faibles
Points forts
- Large spectre de la cadence de pédalage
- Couple phénoménal
- Puissance en crête généreuse
- Simplicité du système d’assistance à deux modes
- Autonomie
- Ergonomie des Pods Controllers
- Console AXS Bridge Display intégrée dans le top tube
- Accord parfait entre motorisation et transmission
- Simplicité des réglages via l’application AXS
Points faibles
- Assistance à la marche perfectible
- Manque peut-être un mode Boost
- Trop peu d’informations sur l’écran
Qu’en penser ?
En étant plutôt fan de la motorisation Brose/Specialized, j’avoue avoir rapidement trouvé mes marques et mon compte avec le Sram Eagle Powertrain de première génération. Le couple généreux, le large spectre de la cadence de pédalage, le silence du moteur… toutes les qualités du bloc Brose sont bien présentes et permettent d’évoluer en terrain connu. De plus, comme les algorithmes de la carte mère privilégient le couple et la progressivité, on a affaire à une motorisation très agréable et suffisamment puissante pour affronter les sentiers les plus techniques.
Et concernant la transmission automatique, l’Auto Shift et le Coast Shift se sont révélés particulièrement bluffants. Même si ce n’est pas vraiment ma tasse de thé et que je considère qu’une maîtrise parfaite de la sélection des braquets fait partie intégrante du pilotage en VTT, il n’empêche que pour une grande frange de pratiquants qui ne savent pas changer les vitesses au bon moment ou qui ont du mal à adopter la bonne cadence de pédalage, ça simplifie carrément la vie !
Donc pour résumer, en adoptant une vision large, c’est une très bonne chose et il n’y a plus qu’à attendre que – comme dans l’automobile –, la transmission automatique se démocratise. Que les prix baissent et qu’une grande majorité de VTTAE en soit équipée… Ce n’est pas demain la veille (il faudrait déjà que ça soit disponible rapidement en magasin), mais personnellement, du côté du système de motorisation Powertrain comme de l’Auto Shift, j’ai beaucoup aimé et j’y crois. Un coup d’essai, que l’on peut presque qualifier de coup de maître.