Cocktail explosif ou pétard mouillé ?
Trek est loin de figurer parmi les pionniers dans l’histoire du VTTAE. En effet, mis à part avec le e-Caliber de XC, le fabricant américain s’est pour l’instant contenté de suivre un mouvement porteur en ajoutant ce type de vélos à son catalogue. Mais avec la présentation du Fuel EX-e, là, je me suis dit que Trek avait sérieusement rectifié le tir en choisissant la catégorie des VTT à assistance légère polyvalents pour rattraper le temps perdu… C’est donc avec curiosité, l’esprit totalement ouvert et en faisant abstraction du prix astronomique de l’engin que j’ai enfourché le modèle le plus haut de gamme envoyé par la marque. Alors, cocktail explosif ou pétard mouillé ?
Par Chris Caprin – Photos : Chris Caprin et Fagerbé
Trek Fuel EXe 9.9 XX1 AXS
- Usage trail/all mountain
- Roues de 29 pouces à l’avant et à l’arrière
- Débattement 150 mm à l’avant et 140 à l’arrière
- Cadre en carbone OCLV Active Braking Pivot
- Reach 482 et Slack 629 mm en taille L, offset (déport de fourche) 44 mm
- Motorisation TQ HPR50 300 watts de puissance maxi, 50 Nm
- Batterie TQ de 360 Wh (+ range extender de 160 Wh)
- Commande au guidon et console OLED intégrée dans le top tube
- Modes d’assistance : 3 (Eco, Mid, High) + assistance à la marche
- Système pour réglages moteur personnalisés et connectivités : oui, avec l’application Trek Central téléchargeable sur smartphone
- Pneus Bontrager XR5 Team Issue 29×2.50 AV et AR
- 4 tailles (S, M, L, XL)
- 6 modèles carbone entre 6 499 et 14 999 €
- Prix du modèle testé : 14 999 €
- Poids vérifié : 18,75 kg (moteur 1 850 g, batterie 1 835 g)
- Lien : www.trekbikes.com
Trek vient tout juste de présenter le tout nouveau Fuel EX-e, qui, selon le constructeur américain, pourrait bien marquer l’avènement d’une toute nouvelle catégorie dans l’univers du VTTAE. Alors que les modèles classiques sont en quête de toujours plus de puissance et d’autonomie, le Fuel EX-e, lui, s’appuie sur le nouveau système d’assistance légère TQ HPR50, si discret qu’on le remarque à peine. En clair, il se fond dans le paysage pour proposer une assistance au pédalage que l’on annonce plus naturelle que jamais. Seulement voilà, que veut dire “pédalage naturel” lorsque l’on parle de VTT à assistance électrique ? Sur le sujet, les avis sont partagés…
Le Fuel EXe est destiné à tous les adeptes du VTTAE qui veulent vivre une expérience plus discrète, mais il s’adresse aussi aux pratiquants exigeants du VTT traditionnel en quête d’un nouveau concept de VTTAE qui les incitera à franchir définitivement le pas vers l’assistance électrique. Pourquoi pas ?
Look et géométrie
Lorsque l’on découvre les images du Trek Fuel EX-e, on retrouve sensiblement les lignes, la cinématique de suspension et le système de géométrie modulable Mino Link des Fuel EX sans moteur ! En effet, du côté droit surtout, avec le plateau, il faut vraiment y regarder à deux fois pour apercevoir la mini motorisation. De même, le tube diagonal qui accueille la batterie de 360 Wh est particulièrement fin (39 % de moins que celui du Rail équipé du système Bosch, par exemple) et l’aspect général fait davantage penser à un VTT classique qu’à un modèle à assistance électrique. Sur ce point, on peut donc dire que le pari est réussi.
Le vélo est équipé d’une paire de roues de 29 pouces et propose un débattement de 140 mm à l’arrière avec une fourche en 150. La géométrie modulable à l’aide d’un Flip Chip sur la biellette (Mino Link) a été calculée pour garantir à la fois une bonne stabilité dans les descentes raides et rapides, ainsi qu’un pédalage efficace et de bonnes capacités en franchissement quand ça monte. Ainsi, en taille M (17,5), on découvre un angle de direction de 65° (65,5° en High) avec un déport de fourche de 44 mm et un angle de tube de selle relativement droit de 77° en position basse (77,5° en High).
On note aussi que le triangle avant est très sloping, avec une portée de 461 mm (reach) et une hauteur boîtier de pédalier/douille de direction de 623 mm (stack). Les bases sont dans la bonne norme pour un 29 pouces (440 mm) alors que le boîtier de pédalier (342 mm en position basse) semble un peu bas pour ne pas toucher les manivelles dans les sentiers techniques en montée… Tout cela annonce donc un vélo stable en descente avec une position de pédalage bien centrée au-dessus du moteur. Cohérent et dans l’air du temps.
Composants
Bon, là, à 14 999 euros, il est clair que l’on dépasse carrément le haut de gamme pour évoluer dans la sphère électrique et ultra connectée ! En plus de l’option full carbone (cadre, roues Bontrager Line Pro 30 Carbon, combo potence/cintre Bontrager avec multi-outils intégré dans le tube de fourche, manivelles e-Thirteen…), on trouve aussi une transmission Sram Eagle AXS XX1 et tige de selle Reverb Stealth AXS. Du côté des freins, des Sram Code RSC 4 pistons avec disques de 200 sont au programme.
A cela, il faut ajouter le système de réglage de suspensions RockShox AirWiz via l’application Sram AXS ou Trek Central et celle dédié à la pression des pneus avec les valves AirWiz. Bref, tout cela alourdi forcément la facture, même si on a quand même un peu de mal à avaler le fait que tout cela puisse monter jusqu’à 15 000 euros… Soit 2 000 euros de plus que la version full XTR Shimano ! Un peu cher, donc, les gadgets électroniques qui ne font pas forcément mieux marcher le vélo à partir du moment où l’on sait le régler un minimum…
Suspensions
Côté suspensions, on est sur du super haut de gamme RockShox 2023, avec une fourche Lyrik Select Ultimate et un amortisseur Super Deluxe Ultimate. Les éléments sont tout nouveaux, avec, pour la fourche, une cartouche Charger 3 qui élimine les interférences entre les compressions hautes et basses vitesses, un nouveau ressort Debonnair + amélioré et les ButterCups, des petits palets en caoutchouc qui prennent place en bout de la tige des ressorts à air et atténuent considérablement les vibrations.
Sur l’amortisseur, on dispose d’une nouvelle cartouche d’amortissement RC2T qui élimine elle aussi les interférences entre les compressions hautes et basses vitesses, ainsi que de réglages simplifiés et efficaces. De la haute performance signée RockShox, quoi !
En attendant, voici les réglages, qui, à mon avis, conviennent le mieux pour un pilote de 70 kilos en fonction des 150/140 mm de débattement proposés par Trek sur le Fuel EX-e :
RockShox Lyrik Ultimate 150 (2023)
• 70 psi et deux tokens dans le plongeur gauche… Ce qui, avec la hauteur supplémentaire du capuchon AirWiz, correspond finalement à l’utilisation de trois cales sur un modèle classique.
• Compression basses vitesses : – 8 sur 14 clics en partant du plus fermé
• Compression hautes vitesses : milieu sur 5 clics
• Rebond : – 11 sur 20 clics en partant du plus fermé
RockShox Super DeLuxe Ultimate (2023)
• 140 psi pour un Sag autour de 30 %.
• Compression basses vitesses : – 1 sur 5 clics
• Compression hautes vitesses : milieu sur 5 clics
• Rebond : – 5 sur 10 clics en partant du plus fermé
Moteur et batterie
“Technologie in Qualität”, c’est de là que provient le nom de TQ, une compagnie allemande et plus particulièrement Bavaroise, qui évolue dans le domaine de la robotique aérospatiale et médicale depuis maintenant 30 ans.
On se souvient également de la collaboration de TQ avec Haibike sur le concept FLYON HPR 120S, une motorisation originale équipée d’un engrenage à onde de déformation spécifique et disposant d’un couple exceptionnel de 120 Nm. Mais aujourd’hui, après avoir visé la puissance extrême, avec le moteur HPR50, TQ fait désormais dans le minimalisme et s’est engagé à fournir le meilleur de sa technologie pour tous les amateurs d’assistance légère. C’est globalement ce qui a séduit Trek lors du premier contact à l’Eurobike Show en 2018, tout comme le dynamisme et la réactivité de la marque. En effet, comparé à la version précédente du système TQ, le moteur HPR50 (acronyme de Harmonic Pin Ring, ou transmission à démultiplicateur harmonique avec anneau à broches) a non seulement perdu du volume, mais il se passe également des courroies bruyantes et des pignons qui s’usent que l’on trouve sur les motorisations classiques développées par une grande majorité de la concurrence.
C’est évidemment ce petit bloc particulièrement compact qui équipe aujourd’hui le Fuel EX-e et permet – dans un premier temps – de donner l’impression visuelle que le vélo n’a pas de moteur. Quant au Q-Factor (l’écartement entre les deux manivelles), il est bien évidemment au plus proche de ce que propose habituellement un VTT sans assistance électrique (135 mm).
Avec ses 3,9 kg, le groupe propulseur complet composé du moteur, de la batterie de 360 Wh, de la console OLED intégrée et de la commande au guidon est aujourd’hui le plus léger du marché. C’est aussi le moins encombrant et, par conséquent, le plus facile à placer où l’on veut et comme on veut dans le cadre d’un vélo. Ce qui le rend quasiment invisible, tout en permettant de le faire fonctionner en parfaite osmose avec le design, la géométrie et le système de suspension choisis par Trek.
De plus, les ingénieurs allemands ont énormément travaillé sur le côté silencieux de la motorisation. Avec un système compact et très solide qui tourne trois fois moins vite en tours/minute que la concurrence, le bruit en étant réduit d’autant. Simple et efficace. Quasiment invisible et extrêmement silencieux. De quoi faire rêver les pratiquants les plus exigeants qui ne supportent pas les machines encombrantes de 25 kilos équipées d’un moteur qui siffle ou qui ronronne lorsqu’il est sollicité à pleine charge.
L’équipe d’ingénieurs de chez Trek a décidé d’associer ce moteur à une batterie de 360 Wh seulement, mais toutefois, pour les gros rouleurs, un range extender de 160 Wh est disponible pour faire monter l’autonomie à 520 Wh. La batterie principale est très compacte et facilement démontable, ce qui facilite son intégration et sa position dans le cadre, tout en conservant un tube diagonal d’un diamètre très raisonnable. Toujours ce souci – discutable selon moi – de se rapprocher au plus près du look d’un VTT sans assistance… Notez enfin que la batterie se recharge facilement, démontée ou pas, en deux heures maximum et que la console multifonction OLED intégré avec classe dans le top tube a été spécialement développée par TQ pour le Trek Fuel EX-e.
Sur le terrain
Bon, tout ça, c’est bien beau, mais cela reste avant tout des arguments vendeurs dédiés aux catalogues et autres présentations pour les médias… Sur le papier, tout est nickel, tout marche à merveille, tout est génial, bref, si on écoute les marques, à chaque sortie d’un nouveau vélo, c’est une révolution. C’est LA petite merveille qui marquera de son empreinte le monde du cycle.
J’avoue que l’on peut parfois se laisser prendre au piège et céder au chant des sirènes. Seulement voilà, une fois l’engin reçu, monté, réglé et photographié, le plus dur reste à faire pour lui : passer le test du terrain. Et pour le Trek Fuel Ex-e à assistance légère équipé du petit moteur TQ, ce sont les magnifiques sentiers du Var, à la fois variés et très exigeants, qui vont faire office de véritable baptême du feu… Alors, qu’a-t-il dans le ventre, ce petit bijou hors de prix ?
Comportement du moteur
Autant le dire tout de suite, je n’ai pas vraiment aimé la motorisation TQ HPR50, ou tout du moins sa cartographie selon moi perfectible…
Car même une fois les curseurs de paramétrages montés de manière raisonnable, en mode Eco, on a finalement une assistance qui reste assez minimaliste. Un peu comme si on roulait sur un VTT sans moteur avec continuellement le mistral dans le dos ! Sur le plat ou en faux-plat, dès que l’on prend de la vitesse et que l’on adopte une cadence de pédalage assez élevée (entre 90 et 100 tr/mn), c’est là que le moteur s’exprime le mieux. Auparavant, si l’on n’est pas positionné sur les pignons du milieu de la cassette, ça a quand même du mal à démarrer, mais une fois que le bon rythme est trouvé, ça part enfin. Attention, ce n’est pas une fusée, loin de là, seulement, du moment que la pente n’augmente pas des masses, on va dire que c’est plutôt agréable et convenable.
Mais le problème, avec le vent dans le dos, c’est que plus ça monte raide, moins ça aide ! Et avec le HPR50, c’est exactement ce que l’on ressent. A moins de se mettre en mode Mid et surtout en High, puis de tourner les jambes sur les trois ou quatre plus grands pignons de la cassette, en vrai tout-terrain, l’assistance est vraiment légère. Et même en moulinant – comme sur un VTT classique, donc – on force nettement moins, c’est sûr, mais on évolue vraiment au ralenti dans les portions raides (6/7 km/h), ce qui est loin d’être l’idéal lors des franchissements.
Et si je suis certain que les amateurs de pédalage sur grandes pistes roulantes sans beaucoup de dénivelé vont apprécier ce Fuel Ex-e hyper rigide à assistance légère, il n’en demeure pas moins que je me suis un peu ennuyé à son guidon. Car pour moi – et ce n’est QUE mon avis –, ce type de motorisation avec sa cartographie perfectible pousse le pilote à rester sur les chemins que l’on emprunte habituellement en musculaire. Et non à sortir des sentiers battus pour découvrir de nouveaux horizons. La principale vocation, selon moi, du VTT à assistance électrique… même légère.
Pour conclure, disons que j’ai eu vraiment du mal à retrouver les mêmes sensations au guidon du EX-e que celles ressenties sur un Orbea Rise, un Specialized Turbo Levo SL, voire même un Lapierre e-Zesty… Des modèles qui seront pourtant à l’avenir les concurrents directs de ce nouveau VTTAE Trek. En gros, je dirais que le comportement du moteur TQ se situe davantage dans la lignée de celui du BH iLynx Race Carbon 120 que j’avais eu l’occasion de tester pendant l’été 2021 (lien). Pas désagréable au demeurant, mais très spécial à prendre en main quand on est habitué aux VTTAE classiques.
Et si je n’ai aucun doute sur les capacités de ce moteur haute technologie à fournir une assistance digne de ce nom sans pour autant “effrayer” le pratiquant qui décide pour la première fois d’abandonner le musculaire, en revanche, je le répète, il lui manque une carte mère vraiment adaptée au VTT… Sans parler des petits détails qui ont permis au VTTAE d’évoluer progressivement depuis des années…
A savoir, une assistance qui continue une fraction de seconde lorsque l’on arrête de pédaler, des capteurs qui donnent vraiment davantage de puissance au fur et à mesure que la pente augmente, un démarrage en côte plus facile quel que soit le braquet utilisé ou la gestion des accélérations/décélérations intempestives que l’on subit régulièrement lors d’une utilisation en vrai tout-terrain. Sans parler du manque de couple qui se fait quand même cruellement sentir. Bref, la liste de ce qui pourrait progresser est longue…
En clair, avec le TQ HPR50 et encore plus que sur les autres motorisation à assistance légère, une cadence de pédalage élevée et une grande vélocité restent la clé si l’on souhaite obtenir les meilleures performances.
Pour conclure, impossible en revanche de passer sous silence la grande discrétion du moteur. Sa technologie interne, son couple réduit de 50 Nm et sa puissance limitée jouent en sa faveur, mais il n’est pas plus silencieux qu’un Fazua Evation 50, un Brose/Specialized ou même un Dyname (Rocky Mountain) – à condition d’oublier le bruit de la transmission de ce dernier ! En tout cas, le léger sifflement que l’on distingue à moyenne et pleine charges est vraiment très faible… Bravo.
Mes réglages
Pour avoir une assistance à peu près efficace sans taper trop non plus dans la batterie, voici les réglages que je préconise…
Autonomie
Pour une utilisation en colline technique (et pas en montagne, je précise), avec 50 % en mode Mid, 30 % en Eco et 20 % en High, il ne m’a fallu que 36 km et 750 m de dénivelé positif pour venir à bout des 360 Wh de la batterie intégrée… Pas extraordinaire et juste un peu mieux qu’un e-Zesty et sa Fazua 250 Wh.
Je précise également qu’arrivé aux 10 derniers pourcents, le moteur se met directement en mode survie sur Eco. Ça peut aider à rentrer, certes, mais il ne faut pas que ça monte trop raide ! En revanche, le temps de recharge de moins de 2 heures est appréciable.
Dernier point. Même si le dérailleur AXS alimenté par la batterie du vélo bénéficie d’une “réserve” de 200 impulsions, on aurait aimé disposer de la version sans fil avec son propre petit accu rechargeable… En tout-terrain, moins il y a de choses qui dépassent, mieux c’est ! Et là, j’ai été obligé de rajouter un collier en plastique sur l’arrière de la base pour que le fil soit bien rangé. Du bricolage dont on se passerait volontiers sur un VTTAE à 15 000 euros… Tout comme le passage du fil de la commande, qui, non-intégré au cintre, se retrouve fixé avec deux bouts de scotch noir sur la durite de frein avant !
À la montée
Dès le départ, si la position de pédalage est excellente, on note quand même que le poste de pilotage est un peu bas… Et avec le système de multi-outils dans la potence et le serrage particulier qui en découle, le tube de fourche est coupé trop court d’origine et il est impossible de rajouter une cale sous la potence. Dommage. De même, la largeur du combo cintre/potence de 820 mm est complètement incohérente sur un VTTAE de Trail. Sinon, ça va, hein… Il faut juste s’habituer au mélange paradoxal entre une position de pilotage plutôt typée XC et un cintre de DH ultra large ! Mais bon, un cintre, ça se coupe, me direz-vous… Dont acte, je l’ai retaillé à 780 mm.
Ensuite, il est important de prendre soin (et le temps) de régler ses suspensions et de s’assurer d’avoir mis la bonne pression dans les pneus, ceci afin d’optimiser au maximum la motricité et le confort. Car sur un cadre aussi rigide équipé d’accessoires en carbone, en vrai tout-terrain, cela revêt une importance primordiale dans le comportement du vélo.
Et si l’on se fie à l’application Sram AXS – ou plus simplement la Trek Central – pour le réglage des systèmes AirWiz et TyreWiz, on obtient, certes, une base qui correspond au poids du pilote, mais pas forcément au terrain où l’on roule… C’est donc plus un “outil” pour le (très) grand public connecté que pour le spécialiste qui connaît toutes les subtilités des réglages d’un VTTAE !
Enfin, après m’être plus ou moins entêté à rouler en position Low du Mino Link (on ne se refait pas, j’aime bien descendre vite et je n’ai rien contre un boîtier assez bas…), j’ai décidé de passer en High, comme ça, sans grande conviction, juste pour voir. Et là, surprise… Le Fuel EX-e change carrément de caractère ! Plus dynamique, plus fun à rouler, sans parler des manivelles qui ne touchent quasiment plus le sol dans les passages techniques. Et après un léger affinage du réglage de l’amortisseur, je n’y ai plus touché et je ne suis jamais revenu à la position Low. Comme on dit : l’essayer, c’est l’adopter ! En tout cas à mon goût.
Partant de là et sans revenir sur le comportement du moteur, qui, dans les montées raides, difficiles et cassantes, se révèle un peu anémique – y compris en mode High –, je me suis donc contenté d’emprunter des parcours un peu plus roulants. De réfréner mes envies de franchissements et de grands espaces pour finalement essayer d’apprécier ce Fuel EX-e à sa juste valeur et ce pour quoi il est fait.
Ainsi, en adoptant la philosophie et le rythme du vélo et en me mettant au diapason (sans vraiment me régaler non plus, faut pas exagérer !), j’ai quand même pu prendre la mesure de l’engin tout en me faisant plaisir. J’ai compris que son bon équilibre, sa partie-cycle à la géométrie polyvalente, sa légéreté et son inertie moins importantes étaient de véritables atouts dont il fallait se servir avec justesse dans les montées – en oubliant le manque de sensation d’une motorisation à mon sens perfectible.
Jusqu’ici, sur les divers VTT à assistance électrique légère que j’ai eus l’occasion de tester, en montée, j’avais plus ou moins réussi à m’adapter rapidement à la philosophie du vélo. Avec le Trek Fuel EX-e, ce fut tout simplement plus long et moins facile…
En descente
Même si c’est vraiment sur ce secteur que j’ai préféré le Fuel EX-e, j’avoue que sur des sentiers naturels et cassants comme nous en avons dans le Sud-Est de la France, sa grande rigidité et son côté parfois un peu “barre à mine” m’ont plutôt fatigué qu’autre chose lors des deux ou trois premières sorties. Mais comme je l’ai déjà dit, heureusement que je me suis penché plus attentivement sur le réglage des suspensions et de la pression des pneus et que je ne me suis pas contenté de suivre les indications forcément un peu basiques, et par conséquent inadaptées, conseillées par l’application Trek Central…
Trop élevées en pression et avec un Sag insuffisant pour mon poids sur un terrain très cassant, ces indications ne m’ont pas servi à grand-chose et je suis reparti sur mes propres bases de réglages pour, enfin, arriver à un résultat très satisfaisant pour un modèle full carbone (voir plus haut la rubrique suspensions).
A partir de là et même si l’on ne parle que de 10 petits psi par-ci et de 0,1 ou 0,2 bar par-là, ces détails, qui, sur le papier, peuvent paraître insignifiants, font vraiment la différence, croyez-moi.
Et c’est ainsi que, une fois réglé de la manière la plus confortable possible – sans aller, bien sûr, jusqu’à talonner ou taper dans les jantes –, le Trek Fuel EX-e s’est révélé à mes yeux un excellent vélo en descente !
Dans les longues enfilades avec de la vitesse où il est impératif de conserver le bon flow, la réactivité du train avant, la stabilité et la tenue de piste sont au top niveau. Il est vraiment facile de placer le vélo où l’on veut et même si, parfois, la grande rigidité de l’ensemble peut provoquer quelques décrochements sur les obstacles, une fois que l’on a pris l’habitude, ce n’est pas un problème.
Et lorsque le terrain devient plus cassant, plus trialisant, avec des marches, des racines et des pierres, on sent bien que même si, encore une fois, la rigidité demande une certaine tonicité et un peu plus d’engagement physique, le résultat est globalement positif. Le vélo se comporte sainement et l’on se sent vraiment en confiance – y compris dans les portions très raides et bien engagées qui ne sont pas vraiment dans le programme du Fuel EX-e.
De même, lorsqu’il faut tirer un bunny-up, soulager l’avant ou placer le vélo comme il faut à l’aide d’un petit nose-wheelie, la maniabilité et la vivacité sont suffisantes pour ne pas galérer dans les manœuvres. Seul petit bémol : il faut tirer bien fort et se placer vraiment sur l’arrière pour le mettre en manual… Pas génial et un peu étonnant pour un VTTAE de 18,5 kg monté avec une petite batterie de 360 Wh seulement ! Peut-être y aurait-il moyen de faire mieux au niveau de la répartition des masses ?
En tout cas, hormis ce petit détail pas non plus hyper important, le Trek Fuel EX-e m’a fait vraiment bonne impression en descente et dans les sentiers sinueux plus ou moins techniques. Alors oui, parfois, on se fait un peu secouer (jantes et combo cintre/potence en carbone obligent), mais dès que j’ai pris la mesure du bike et adapté un minimum mon pilotage, je me suis finalement bien amusé… Et c’est ça l’essentiel, non ?
Points forts / points faibles
Points forts
+ Rigidité
+ Rendement
+ Très bon rouleur
+ Accord des suspensions
+ Géométrie modulable
+ Console intégrée dans le top tube
+ Design réussi
+ Finition soignée
+ Moteur silencieux
Points faibles
– Poste de pilotage un peu bas
– Cartographie moteur inadaptée au tout-terrain
– Manque de couple
– VTTAE exigeant physiquement
– Prix exorbitant
Qu’en penser ?
La première question qui me vient à l’esprit, c’est : qui va acheter un VTTAE aussi cher, aussi exigeant et équipé d’une motorisation pas vraiment adaptée à la pratique du vrai tout-terrain ? Car si l’on se doute bien qu’avec ce vélo, Trek ne vise pas la masse mais plutôt une clientèle d’élite aisée, le caractère particulier de ce EX-e et sa motorisation TQ – plus proche d’une assistance pour la route que dédiée au VTT –, place ce modèle dans une niche on ne peut plus étriquée…
Qui va mettre entre 10 et 15 000 euros pour s’offrir un engin doté d’une assistance qui semble ne pas avoir pris en compte la plupart des fonctions élémentaires indispensables aujourd’hui en tout-terrain ? Fonctions que l’on retrouve depuis au moins trois ans chez la concurrence…
Quel est l’intérêt de proposer un VTTAE léger au look discret et à la partie-cycle réussie si le système de motorisation n’offre pas la possibilité de sortir davantage des sentiers battus ? Si l’on ne peut pas réellement compter sur une assistance et, surtout, un couple suffisamment conséquents en cas de besoin ?
Enfin, pourquoi vouloir imposer une batterie de 360 Wh alors que la concurrence propose désormais plus de 500 Wh sur des VTTAE à peine plus lourds aux performances et à l’autonomie bien plus adaptées au tout-terrain ?
Quand on a l’habitude de rouler sur un VTTAE depuis bientôt dix ans et que l’on a passé ces trois dernières années exclusivement au guidon de ce genre d’engins, on a forcément l’impression que le VTT à assistance légère arrive un peu après la bataille… Qu’il aurait été la monture idéale pour faire la transition musculaire/électrique au moment où nous l’avons faite, mais qu’à l’époque, malheureusement, cela n’existait pas. Partant de là, par la force des choses, nous avons été en quelque sorte “élevés” avec le Turbo de chez Bosch comme référence !
Et cela pousse forcément à nuancer le bilan de cet essai. Les poissons volants, ça existent, mais ce n’est pas la majorité du genre… Tout comme les pratiquants de la première heure, les pionniers du VTTAE que nous sommes ne sont finalement qu’une minorité. Par conséquent, les précurseurs – dont je fais partie – doivent intégrer le fait qu’une grande frange de vététistes n’a pas encore découvert les plaisirs du VTT à assistance électrique et que celle-ci dispose aujourd’hui d’une bien plus grande variété d’engins pour se faire la main… Ce qui me pousse à dire qu’un modèle comme le Trek Fuel EX-e n’est peut-être pas si en retard que ça sur son temps. Qu’il a de beaux jours devant lui et sera peut-être bien la passerelle idéale pour aider ceux qui hésitent encore à se mettre à l’assistance électrique, à franchir le pas.
Libre aux pratiquants ensuite de changer d’avis et de passer sur un VTTAE plus apte à découvrir de nouveaux horizons et à affronter des parcours encore plus techniques en montée… Mais ça, c’est une autre histoire.
Cependant, et au risque de m’attirer les foudres des responsables de chez Trek, de chez TQ et de certains lecteurs, je dirai malgré tout que j’ai été légèrement déçu par les performances moteur de ce Fuel EX-e… Bien sûr, ce genre de VTTAE ne correspond pas vraiment à ma pratique ni à ma vision de ce nouveau sport. Néanmoins, ayant eu l’occasion ces dernières années de tester quasiment tous les modèles à assistance légère du marché et m’étant à chaque fois plutôt fait plaisir à leur guidon, j’en déduis que la motorisation de ce nouveau Trek n’est peut-être pas tout à fait au niveau de la concurrence – et surtout pas au niveau du Shimano EP8 RS qui équipe l’Orbea Rise (voir plus loin). Heureusement, et c’est peut-être le principal, la partie-cycle polyvalente est particulièrement réussie. Ce qui laisse espérer une belle évolution de l’ensemble dans les années à venir. Seulement voilà, dans l’état actuel des choses, on va dire que j’attendais beaucoup plus côté moteur et que je ne l’ai pas eu…
Alors finalement, cocktail explosif ou pétard mouillé, ce nouveau Trek à assistance légère ? Eh bien, je dirais un peu des deux… A savoir cocktail explosif pour le nouveau venu dans le mode du VTT à assistance électrique et un peu pétard mouillé en ce qui concerne les vieux briscards qui considèrent que davantage de puissance et de couple sont un atout. Et pour qui quelques kilos supplémentaires bien placés ne sont plus un problème depuis longtemps. Mais au final, tous les goûts étant dans la nature, force est de constater que la nouvelle génération de e-bikers a bien de la chance d’avoir autant le choix.
Vis-à-vis de la concurrence…
Pour rester chez Trek, on peut parler du E-Caliber 9.9 XX1 AXS à 13 099 euros, un pur XC avec des débattements réduits et une philosophie de VTT de compétition… pour des courses qui n’existent pas, ou tout du moins pas encore ! L’avantage ? Son groupe propulseur Fazua Ride 50 est amovible et le transforme en VTT classique une fois enlevé. L’inconvénient ? La batterie de 250 Wh seulement…
Et puis il y a aussi le Lapierre e-Zesty AM Limited à 7 699 euros, avec, lui aussi, un bloc moteur/batterie démontable Fazua Ride 50. Léger (moins de 19 kilos) et attirant au niveau du prix, ce vélo fait figure de pionnier dans la catégorie et n’est pas dépassé pour autant.
Autre grosse pointure de l’assistance légère, le Specialized Turbo Levo SL S-Works à 14 500 euros représente lui aussi le très très haut de gamme… Un moteur maison SL 1.1, une batterie de 320 Wh, une belle légèreté et un équilibre parfait, avec ses 150 mm de débattement, il joue clairement le jeu de la polyvalence maximale. L’autre référence de la catégorie actuellement avec l’Orbea Rise.
Même s’il se fait un peu désirer au niveau de la disponibilité, le BH iLynx Trail Carbon Pro 8.9 à 9 999 euros semble très intéressant aussi… Avec sa motorisation originale BH 2EXMAG, sa batterie de 720 Wh et ses 150 mm de débattement, il a beaucoup d’atout dans son jeu.
Enfin, nouveaux venus dans la catégorie, le Transition Relay et le Haibike Lyke, équipés tout deux du nouveau moteur Fazua Ride 60 et de sa batterie de 430 Wh. Super sobres et très discrets, légers et polyvalents, on attend de les tester avec impatience… Seul problème : il sont annoncés dans les magasins pour le printemps 2023 !
Quant à l’Orbea Rise M-LTD à 10 499 euros, avec son poids plume de moins de 17 kg, on l’a déjà dit, il joue également dans la catégorie Trail ou petit all mountain. En revanche, il vise davantage la polyvalence en profitant d’un moteur Shimano EP8 RS, certes un peu “bridé” au niveau des performances, mais qui lui permet presque de suivre les VTTAE full power sans trop de difficultés… C’est à mon avis la référence en assistance légère aujourd’hui. Et ce, quel que soit le modèle. Hors de prix, abordable, alu ou carbone.
Et face à l’Orbea Rise ?
Profitant d’avoir sous la main l’Orbea Rise H10, le modèle haut de gamme en aluminium de la marque, je n’ai pas pu m’empêcher d’embarquer un collègue avec moi pour un petit face-à-face…
Pour rappel, le Rise H10, c’est :
• un cadre en aluminium
• 150 mm de débattement AV et 140 AR
• des composants de grande qualité
• un moteur Shimano EP8 RS à 60 Nm
• une batterie de 540 Wh
• un tarif de 7 199 euros
• un poids de 19,7 kg
Partant de là et en s’appuyant simplement sur les chiffres, on peut se poser des questions sur le rapport prix/poids/autonomie qui place le Trek à un tarif deux fois plus élevé que l’Orbea, pour à peine un kilo de moins sur la balance… Que dire alors de l’équipement ultra haut de gamme, du cadre full carbone, de la “petite” batterie de 360 Wh et du moteur miniature, qui, avec un petit kilo de différence, une fois additionnés, permettent tout juste au EX-e de rivaliser avec le châssis en aluminium, le bloc moteur Shimano EP8 classique et la batterie de 530 Wh intégrée du Rise ?
D’autant plus que, visuellement d’abord et sur le terrain ensuite, la finesse des lignes du cadre et l’impression de légèreté que l’on ressent au guidon du Rise n’ont pas grand-chose à envier au Fuel EX-e. Difficile dans ce cas-là d’imaginer que le modèle 9.5 à 6 499 euros ou même le 9.7 à 7 999 euros, nettement moins bien équipés, puissent espérer soutenir la comparaison avec le Rise, ne serait-ce qu’au niveau du poids et de l’autonomie.
C’est d’ailleurs ce que nous avons pu constater en passant d’un vélo à l’autre au cours de deux belles sorties techniques de deux heures sur un parcours adapté aux VTT à assistance légère. Si les deux modèles ont leur caractère spécifique, leurs qualités et leurs (petits) défauts, au bout du compte, sur le Rise, on grimpe mieux grâce au couple supérieur, on roule nettement plus longtemps (sans batterie additionnelle, je précise, c’est de l’ordre d’une heure, 500 m de D+ et 20 km sur le même type de parcours) et on est quasiment aussi à l’aise en descente… Secteur où le Fuel EX-e, très stable et collé au sol dans le bon sens du terme, prend légèrement l’avantage malgré un certain manque de confort.
Alors que dire ? Simplement que la technologie de pointe, le tout électrique ou le côté 100 % “connecté” ne font pas tout sur les sentiers et que le meilleur vélo du monde n’est pas forcément le plus cher ! Mais ça, on le savait déjà, non ? Et dans un sens, heureusement…
La gamme Fuel EXe
Même si certains pays ne distribueront pas l’intégralité de la gamme, nous vous présentons néanmoins les six modèles qui la composent…