@Jeremy_Prevost

Portfolio et vidéo : Sk’e-bike – Le combo hors-saison

Combiner Ski et VTT, c’est le projet de Timothée Theaux et de ses acolytes : mettre en avant tout le potentiel du VTTAE en tant que tel mais aussi son utilité dans le cadre d’un autre environnement et jouxté à une autre passion. Direction les Alpes et le massif de la Vanoise, à la conquête de 5 couloirs majeurs en mixant VTTAE et Ski…

 


Temps de lecture estimé : 15 minutes – Texte : Timothée Theaux – Photos : Arthur Bertrand – Vidéo : Nico Favre / Florian Pivot


 

Riders : Timy Theaux, Flo Arthus, Kevin Guri, Jérémy Prevost, Arthur Bertrand, Fab Maierhofer et Victor Galuchot

 

Au sommaire de cette aventure :

 

 

 

 

 

 

[dropcap size=big]D[/dropcap]epuis des années le ski en fin de saison me laisse un goût amer. À cette période les couloirs sont encore en bonnes conditions. Le problème c’est l’accès à ces couloirs, il est bien trop long en une journée.

Le VTT peut-être une option pour raccourcir cette longue distance, encore faut-il avoir les jambes pour traîner le poids du matériel de ski sur le vélo, puis se hisser au sommet en ski de rando.

La solution paraît évidente, une approche en VTTAE. Avec 250w de puissance tout paraît accessible. Il ne reste plus qu’à imaginer des parcours permettant de skier de grandes faces et de dévaler de beaux “singletracks”.

Nous allons enchaîner nos deux activités préférées, qui habituellement sont pratiquées aux saisons opposées. Pour pratiquer ce combo nous avons choisi nos montagnes de la Vanoise. Notre but est de relier sur nos VTTAE cinq couloirs majeurs du massif en six étapes.

Dans notre aventure des skieurs pros et locaux, plus ou moins aguerris à la pratique du VTT, nous rejoindrons tous les jours pour expérimenter ce nouveau combo des montagnes.

Voici notre parcours et notre histoire…

 

 

Etape 1 : Mollard des Bœufs

 

4h30 devant la mairie de Saint Martin de Belleville (1400m), les derniers préparatifs de nos vélos vont bon train. Gonflage des amortisseurs car nous partons très lourd. Sacs à dos encombrés du matos de montagne (corde, crampons…) et de rando (peaux, skis, chaussures…) nous atteignons au bas mot les 100kg pour un homme de 80. Frontale en place et vélo allumé, nous pouvons attaquer notre aventure.

 

 

 

Nous avalons le bitume dans la nuit noire à vive allure en direction notre couloir Nord du jour : le Mollard des Bœufs (2761m). À Saint Jean de Belleville nous bifurquons pour remonter la vallée des Deux Nans jusqu’au petit village, inaccessible en hiver, de la Sauce. Nous permet de continuer sur un chemin de plus en plus étroit, à gros coup de mode “boost” sur notre vélo, nous nous sentons comme des “super héros” tellement il est facile de se déplacer malgré notre surpoids.

 

 

La neige bouche le chemin pédestre, nous sommes contraints de laisser les vélos, skis sur le sac nous continuons en mode marche sauvage entre les névés. Aux alentours de 2000m, nous pouvons enfin chausser les skis et commencer notre rando à l’assaut du couloir. Le soleil brille et le regel nocturne est partiel. Après 200m de dénivelé la pente s’incline trop, nous continuons les skis sur le sac. Le couloir n’est pas en très bon état, de grosses rigoles se sont formées jusqu’en bas dû à l’écoulement de la neige humide.

Nos pas s’enfoncent de plus en plus et vu l’exposition Nord-Est de la fin du couloir nous préférons renoncer au sommet et nous arrêter sur un petit col 100m en aval. La descente s’annonce longue avec de belles distances. Je me lance. La neige est très variable de molle à béton. C’est un vrai “casse-pattes” qui ne permet pas de relâchements possibles. La suite de la descente est une succession de passages herbeux et de névés, l’enchaînement skis aux pieds, à plein de vitesse nous fait retourner dans notre jeunesse de skieurs tout-terrain.

 

 

Nous retrouvons nos vélos laissés derrière un rocher, nous paquetons notre matos de ski. Nous sommes prêts pour la seconde partie de notre descente : l’Enduro VTT. Nous démarrons sur le chemin 4×4 jusqu’au village de la Flachère et c’est là que les hostilités commencent. Un “singletrack” à peine visible s’enfonce dans la forêt et laisse place à quelques lacets dans une pente soutenue. Un bon matelas de feuilles permet un pilotage confortable et ludique.

 

 

Après avoir retrouvé la route, il nous reste 5km de montée pour atteindre notre point de départ : Saint Martin de Belleville. Du gâteau vous me direz avec nos vélos électriques. Sauf QUE ! A trop faire les “barbots” à 5h du mat en mode “boost”, nous sommes à sec, nos machines à batterie ne sont malheureusement pas inépuisables.

Le verdict tombe à 1km de l’arrivée : la batterie est HS et le vélo se met en mode Off . Il ne nous reste plus qu’à pousser fort sur nos guibolles sauf qu’après une dizaine d’heures d’efforts en tous genres ça pique plus que d’habitude !!!

Assoiffés et morts de faim, nous atteignons péniblement le centre du village. L’expérience de ce premier jour fut belle, tout le groupe est ravi mais il va nous falloir en tirer quelques leçons pour les prochains jours, notamment sur la gestion des batteries.

 

 

Etape 2 : Grand Perron des Encombres

 

Même heure, même rendez-vous, la mairie de Saint Martin de Belleville, avec en ligne de mire : le Grand Perron des Encombres 2824m, à l’extrémité sud des trois vallées. Remonter la longue vallée des Encombres, inaccessible en hiver, devient presque une formalité avec nos VTTAE. Les 13km s’enchaînent entre bitume et chemins 4×4 jusqu’à la cabane de Caseblanche. À 1900m d’altitude la neige est omniprésente.

 

 

Nos vélos resteront là, bien attachés entre eux par un gros cadenas et cachés derrière un rocher. Il est temps de chausser nos skis pour quasiment 1000m de rando. Il est sept heures et le soleil cogne déjà fort. La dernière partie s’effectue sur une belle arrête en rocher à la frontière avec la Maurienne. La vue du sommet est splendide : les aiguilles d’Arves et la barre des Ecrins au Sud, le Mont Blanc au Nord et les aiguilles de Péclet à l’Est qui sont encore très blanches dû à un hiver très enneigé. Je m’engage dans le couloir Nord qui longe la grande paroi du Grand Perron.

 

 

Mes collègues s’amusent dans une entrée plus exposée au milieu des cailloux alors que d’autres enquillent de grandes courbes sur la partie plus ouverte de cette grande face Nord. Petit ravitaillement et rinçage du matos de ski dans la rivière pour paqueter et remonter sur nos vélos.

Le début s’effectue sur le chemin 4×4 jusqu’au hameau de Gittamelon. Nous passons en mode Enduro filant en contrebas du hameau pour retrouver un beau “single” qui devient balcon à partir des Priots jusqu’au Châtelard.

 

 

Nous finissons par une partie aux lacets étroits et à faible vitesse sur une arrête dégarnie d’arbres offrant une vue singulière sur le bas de la vallée des Belleville. Notre point de retour n’est plus qu’à deux petits kilomètres de route. Fin d’une journée intense et bien remplie. Quel kiffe !!!

 

Etape 3 : Refuge du Saut

 

Nous enfourchons une dernière fois nos vélos au départ de Saint Martin de Belleville à destination du refuge du Saut 2100m au fond de la vallée de Méribel pour une journée uniquement de transition. Ce qui implique que nous ne ferons pas de ski aujourd’hui mais de beaux “singles” sont au programme VTT.

 

 

Deux kilomètres sur l’asphalte en guise d’échauffement jusqu’à Saint-Marcel pour attaquer des chemins 4×4 raides où le mode “trail” de nos vélos prend tout son sens. Nous retrouvons un “single” en balcon au niveau de la montagnette de Praz Coutin. Le chemin continu sur les plus beaux coteaux des Belleville jusqu’au col de Jean 2050m sauf que la neige est bien présente à partir de 2000m d’altitude et nous force à alterner entre pédalage et poussées de vélo.

Le col forme une grande terrasse avec vue imprenable sur les environs, nous sommes au cœur des trois vallées, une petite pause ravitaillement et contemplation s’impose. Nous engageons la descente droit dans la pente et surtout droit dans la neige. Grosses tranches de rigolade dans la musette. Les chutes et glissades s’enchaînent pour chacun d’entre nous.

 

 

Quelques lacets en contrebas nous retrouvons la boue puis la terre pour s’engager sur un « single » très populaire en été, jusqu’à Méribel (1400m). En temps normal à la mi-mai, l’accès au refuge par le chemin 4×4 (seule voix autorisé en VTT dans la Réserve Naturelle de Tueda) est dégagé mais là nous sommes stoppés à l’entrée du grand plateau du Vallon du Fruit. Vélos déposés derrière un buisson nous entamons le reste de la montée à pied. 1h30 de marche, sous la pluie, entre herbes rases, pierriers et névés.

 

 

Nous nous réconfortons à l’idée de nous réchauffer au coin du poêle et autour d’un savoureux “Diot-Polenta” glissé au fond du sac à dos. À cette époque de l’année seule la partie “non gardé” du refuge est ouverte. Elle comporte huit couchages, un poêle et une gazinière. La surprise est de taille en rentrant dans le refuge : nous ne sommes pas les seuls et donc en sureffectif. Il nous faudra faire lit commun. Le stock de gaz est vide.

Nous cuisinons en utilisant la chaleur du poêle turbinant plein feu mais le goût prend un grand coup dans l’aile. Notre humeur n’est pas entamée pour autant. Un dodo “comme on peut” et réveil à 5h.

 

Etape 4 : Aiguille des Corneillets

 

La nuit fut courte. Je vous laisse imaginer : partage de lit, ronflement… Malgré un temps couvert en chaussant nos peaux de phoque, le regel nocturne semble bon. Nous entamons tranquillement l’approche vallonnée dans le Parc National de la Vanoise jusqu’au pied du couloir ouest de l’Aiguille des Corneillets (3055m).

Nous mettons nos crampons et sortons notre piolet. Une pellicule de glace apparaît et la pente se raidit pour atteindre un bon 45°. Le soleil et la chaleur ne sont pas de mise, la neige ne fond pas mais des petits cailloux dévalent au coin du nez tel des jets en “rase-motte”. Cette situation ne nous inspire guère et nous décidons d’arrêter notre ascension à quelques dizaines de mètres du sommet. La descente est délicate.

 

 

La neige est “béton”, glace par endroit et le terrain très accidenté. La pente est forte, chaque virage sauté est donc mesuré .Une chute dans ce couloir est exclue. Nous sommes au cœur du massif est donc loin de tout. Un passage par le refuge pour récupérer le matériel de la nuit et nos déchets.

 

 

Nous poursuivons en mode ski de fond, de plaques de neige en plaques de neige pour traverser le plateau marché la veille et rejoindre nos vélos. Nous “switchons” d’activité pour le reste de la descente jusqu’à Mottaret.

En vélo, l’arrimage des skis sur le sac à dos, c’est chacun son style : en mode “tipi” sur l’extérieur du sac, en diagonale sur le devant du sac ou en porte de placard pour le snowboardeur. Quoiqu’il en soit toutes les configurations marchent plutôt bien. Le “single” qui coupe entre le chemin 4×4 de l’aller est agréable. Il nous dépose le long du lac de Tuéda.

 

 

Petit ravitaillement avant d’enchaîner sur Méribel 1400m puis l’Altiport. La suite n’est qu’une montée facile sur un chemin 4×4 pour arriver au cœur de la luxueuse station de Courchevel à 1800m. La journée a été délicate sur les skis mais ces deux derniers jours nous ont permis de relier la vallée des Belleville à celle de Courchevel. Grâce à nos e-bikes nous avons traversé les trois vallées avec notre matériel tout en skiant.

 

Etape 5 : Aiguille du Fruit

 

Ce départ de Courchevel nous permet d’être déjà en altitude et d’avoir moins de chemin à parcourir en VTT pour arriver à la neige. Notre option du jour est de skier un des couloirs de la face Nord de l’Aiguille du Fruit (3051m). L’approche s’effectue par la route jusqu’à l’Altiport puis sur un chemin 4×4 avant de tenter notre chance sur la neige mais vu notre poids sur le vélo, la couche de regel est trop fine pour porter nos 100kg.

 

 

Vélos arrimés à une balise de piste de ski vers 2000m nous entamons notre rando droit face au grand couloir Nord. La montée est relativement facile car la neige porte bien. Au sommet nous débouchons sur une zone rocheuse abrupte qui domine à l’ouest le plateau du Vallon du Fruit traversé la veille. Le panorama est splendide : le Mont Blanc au Nord et les glaciers de la Vanoise tout proche à l’Est. En montant nous avons repéré une variante qui passe par un filon étroit. Cette option bien plus technique que le couloir principal fait forcément l’unanimité dans le groupe. L’entrée est très esthétique et la vue plongeante est fabuleuse.

 

 

Plus bas, le ski est beaucoup plus lent car le couloir se rétréci fort jusqu’à atteindre moins de 2 m de large avec toujours autant de pente. Un pur régal. En arrivant en direction des vélos nous apercevons une marmotte qui s’enfuit. En rigolant je lance “elle a mangé les chaussures de qui ??”.

 

 

Je ne pensais pas si bien dire. Après avoir rangé le matériel de ski je m’aperçois qu’elle m’a bouffé mes baskets et qu’elle est même montée sur nos cadres de vélos pour ronger nos poignées. La suite de notre descente est assez bucolique.

Nous improvisons alors un nouveau style au chevauchant nos vélos skis aux pieds. Mains sur le guidon et ski au sol nous dévalons jusqu’à 1700m entre virages glissés, roulades et prises de vitesse droit dans la pente. Un grand moment !!! Nous allons enfin nous équiper pour du vrai VTT et engager un magnifique single sinueux dans la forêt pour atteindre Courchevel-Moriond et le lac de la Rosière à 1550m.

 

 

Un pur régal de rouler sur ses épines et ce terrain meuble de l’hiver. Un court arrêt ravitaillement le long de ce petit barrage à la sublime couleur turquoise. Une grande partie de la descente nous attend en contrebas, encore 700m de dénivelé négatif.

Du raide et étroit au creux d’une gorge puis roulant et rythmé entre les arbres de la forêt de Montcharvet, voici le programme avant de plonger sur des parties plus rapides et caillouteuses en approchant Bozel (850m). Nous terminons donc cette magnifique journée avec une longue descente de + 2000m de dénivelé négatif et des sections d’enduro extraordinaires. Vivement demain pour renouveler l’aventure sur le dernier combo du trip.

 

Etape 6 : Brèche Portetta

 

Un départ de Bozel, le bas de la vallée, nous impose un réveil aux aurores et un rendez-vous à 4h. Nous attaquons de nuit sur la route en direction de Pralognan la Vanoise : 14 km à 25/h en montée. Nous poursuivons par 300m D+ de chemin 4×4, à l’assaut de la Brèche Portetta 2651m, notre ambition du jour et couloir mythique de la Vanoise. Nous n’irons pas plus loin car la neige est trop présente et nous oblige à pousser les vélos.

 

 

Nous mettons nos montures à l’abri sous les arbres pour chausser les skis : rando pour 700m de dénivelé positif jusqu’aux pieds des colosses rocheux. J’attaque à faire la trace skis sur le sac pour dessiner de belles marches de montée pour mes compagnons derrière moi. L’ambiance est fabuleuse. Nous sommes entourés de ces immenses parois de calcaire formant des couloirs profond comme dans les Dolomites.

 

 

Au sommet, de grandes dents nous surplombent, une fissure étroite nous permet d’accéder au second couloir : la Brèche Portetta. Les virages sont courts et la vitesse est faible mais le ski est grandiose dans ce décor. S’en suit un passage très effilé qui augmente notre adrénaline pour cette dernière descente du trip. La sortie du couloir est très vaste nous pouvons lâcher les skis sur d’immenses courbes tout en admirant la vue qui projette la Grande Casse à l’horizon et Pralognan, tout vert, en contrebas.

 

 

Petit bémol en débarquant sur notre garage à vélo improvisé le matin, le ciel s’est fortement couvert et la grêle nous tombe dessus avec intensité. L’averse passée à l’abri sous les arbres, nous entamons notre descente sur un single raide qui débarque au village de La Croix (1350m). Une section bien technique. De la notre parcours alterne entre chemin et passage sur la route.

Nouvelle averse violente, nous sommes complètement trempés. Nous rattrapons le chemin qui descend jusqu’à Bozel mais après quelques chutes et “pétages de plomb” de certains de l‘équipe, nous décidons de sagement rentrer par la route. Nos organismes sont à bout. Nous sommes “blettes”, nous n’avons pas mangé et c’est notre sixième étape. Bien content de finir cette journée sans casse. Il est tout de même 16h30 quand nous arrivons à Bozel, bien entamé par cette grosse journée.

Quel trip !!! Une grosse intensité tout au long de ces rudes étapes. Pour une première nous souhaitions découvrir et expérimenter ce combo ski + ebike dans toute son ampleur. Pour cela nous avons visé plusieurs jours et imaginé une traversée permettant d’exploiter au maximun le potentiel de nos vélos et de notre environnement. Tout ceci n’était que théorie et imagination. Après ce trip nous constatons qu’il s’agit bien une réalité possible et super intéressante.

Qui n’a jamais osé imaginer pratiquer ses deux passions, en temps normal antagonistes, lors d’une même sortie et encore plus lors d’une même descente. J’ai le sentiment que nous sommes qu’au début d’une nouvelle pratique bien adapté au ski de hors saison, printemps et automne. Ce périple n’est que le début d’une nouvelle histoire.

 

Le film de l’aventure

  1. Grandiose (“what else”) …
    Superbe reportage (continuez ainsi).
    Ça donne envie. En attendant, je vais faire de très beaux rêves.
    Merci pour ces grands moments d’évasion.

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