Qu’a-t-elle vraiment dans le ventre ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que jusqu’ici, dans le domaine du VTT, les fourches inversées ne nous avaient guère impressionnées. Mais aujourd’hui, en sortant un produit technique, cher et potentiellement abouti, Fox veut nous prouver que ce concept de suspension avant a aussi un avenir sur un vélo d’enduro… Alors évidemment, la Podium n’a pas été conçue pour convenir à tout le monde. Elle se destine surtout à des pratiquants de (très) bon niveau qui recherchent avant tout la performance en descente. Mais en ce qui me concerne, ce qui m’intéresse surtout, c’est de savoir ce que cette fourche a vraiment dans le ventre et si son montage sur un VTTAE est pertinent. Après avoir pris suffisamment de temps pour réaliser ce test, l’heure est venue de vous livrer mes impressions.
Par Chris Caprin – Photos : Chris Caprin et Fargerbé

Fox Podium
- Usage : enduro/bike park
- Prix : 2 859,90 euros
- Poids : 2,695 kg
- Débattement : 170 mm ou 160 (en option)
- Diamètre des fourreaux : 47 mm
- Diamètre des tubes : 38 mm
- Construction : châssis inversé oversize en aluminium 7000
- Ressort : GlideCore Air Spring
- Cartouche : hydraulique GripX2
- Réglages : HSC, LSC, HSR, LSR
- Offset (déport du té) : 44 mm
- Axe : traversant 20×110 mm
- Pivot : 1.5 conique
- Purgeurs : oui
- Axe flottant : oui
- Diamètre de disque : 200 mm Direct, Post Mount 230 max
- Montage garde-boue : oui, Fox Mud Guard dispo automne 2025
- Taille de roues : 29 pouces
- Lien : www.ridefox.com
Fox annonce que cette fourche “Upside Down” a été conçue pour permettre d’exploiter encore davantage les performances de la nouvelle cartouche GripX2 en développant encore plus la sensibilité de la suspension, tout en augmentant la rigidité longitudinale et latérale.
Avec son casting XXL de 47 mm et son axe de 20 mm, la Podium se démarque de la fameuse Fox 38, mais n’est pas vouée à la remplacer. Son prix, ses spécificités techniques originales et son poids relativement élevé (400 g de plus quand même qu’une simple té classique en 170 de la marque) la réserve à une clientèle particulière qui a les moyens et recherche un produit novateur, pointu, haut de gamme et très performant en descente.



Comment ça marche ?
Avec une fourche inversée, sur un VTT, on est confronté au problème de la rigidité … A ce sujet, avec la Podium, Fox promet que l’absence d’un arceau au-dessus de la roue sera largement compensée par un axe en acier de 20X110, dans l’esprit de ceux que l’on trouve sur les fourches de DH double té. De plus, le casting oversize et l’axe de 20 assurent soi-disant une rigidité quasiment égale à celui d’une 40. Bref, que ce soit en latéral ou en longitudinal, de ce côté-là, ça devrait être au top.










Et puis on sait tous qu’en général, sur une fourche de VTT, la lubrification des divers joints – qui se fait par aspersion uniquement lorsqu’elle monte et descend –, n’est pas toujours suffisant. C’est la raison pour laquelle, avec une fourche classique, il est important de mettre régulièrement le vélo à l’envers pendant plusieurs heures si l’on veut que tout fonctionne de manière optimale… Mais avec la Podium inversée, par effet de gravité, les joints coulissent dans une sorte de bain d’huile constant. On a donc beaucoup moins de frictions entre les tubes et les fourreaux et un comportement forcément plus onctueux.
Ensuite, le système Glidecore Air Spring apporte un réel plus dans le comportement de la fourche en réduisant au maximum les frictions supplémentaires provoquées par le relief du terrain. Pour faire simple, il s’agit de joints en Nitrite de Butadène qui contrôlent et amortissent les mouvements latéraux occasionnés par les imperfections du terrain sous l’impulsion des chocs. On a donc une suspension plus sensible et plus douce, ainsi qu’une réduction du jeu.
Enfin, sur la Podium, le fonctionnement de la cartouche GripX2 a été optimisé pour s’approcher de ce qui se fait de mieux en termes de possibilités de réglages, de maintien dans la continuité du débattement et de sensibilité sur les petits chocs. L’idéal pour une suspension typée “Gravity”. Avec ses 23 valves, elle permet au pilote de régler exactement sa fourche comme il le souhaite en fonction du terrain où il roule.
Alors, sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère qui verra se démocratiser la fourche inversée en VTT et peut-être, surtout, en VTTAE ? L’avenir nous le dira, mais pour l’instant, comme on dit, y’a rien de fait… Quoi qu’il en soit, la Podium semble vouloir représenter l’accessoire idéal pour upgrader les nouveaux eBike dont la motorisation permet désormais d’atteindre des vitesses plus élevées en montée… Avec les contraintes supplémentaires que cela impose.
Réglages Fox Podium
Avec mes 68 kg, par le passé, j’avoue avoir rencontré quelques petits problèmes sur les 38 avec la nouvelle cartouche GripX2… En particulier au niveau du rebond qui est un peu juste (même ouvert à fond) pour la pression d’air que j’utilise en VTTAE. Sur la Podium, même si je suis dans le bas de la fourchette au niveau de la pression, j’ai conservé un peu plus de marge dans les réglages du rebond, tout en ayant une sensibilité relativement correcte sur les petits chocs en descente.

Aujourd’hui, sur un VTTAE d’enduro comme le Santa Cruz Bullit, voilà où j’en suis sur la Podium avec le même type de cartouche.
- Rebond hautes vitesses : – 1 du plus ouvert (sur 8 clics)
- 65 psi et un token dans le plongeur gauche pour un Sag autour de 25 %
- Compression basses vitesses : – 1 du plus ouvert (sur 18 clics)
- Compression hautes vitesses : – 2 du plus ouvert (sur 8 clics)
- Rebond basses vitesses : – 2 du plus ouvert (sur 16 clics)
Petits conseils…
Avec la Podium, il faut toujours effectuer la maintenance avec le vélo à l’envers et la roue démontée. Non seulement c’est plus pratique pour travailler, mais ça permet aussi à l’huile qui se trouve dans la fourche de se positionner au fond des fourreaux, comme sur une fourche classique. Ensuite, quand on a terminé, une fois l’axe de 20 en place et bloqué, il faut remettre le bike à l’endroit, puis faire coulisser la fourche plusieurs fois pour que tout se mette en place avant de serrer les vis de l’axe (6,2 Nm) en commençant par le côté du disque, pour finir par le côté transmission. Un rituel obligatoire si l’on veut que la fourche fonctionne de manière optimale.

Précisons également qu’il est possible d’utiliser la fourche sans les protections de plongeurs. Il suffit de les démonter et de rajouter ensuite la petite plaque en plastique fournie avec la fourche qui se fixe du côté du frein au même endroit que la protection d’origine. Elle permet de guider la durite, mais ne sera d’aucune utilité contre les projections de pierres ou un choc en cas de chute. Donc, honnêtement, hormis éventuellement pour gagner un peu de poids, je ne vois aucun intérêt à se passer de ces protections… On vous aura prévenu !







Sur le terrain
Dès les premiers tours de roues en vrai tout-terrain sur du dénivelé positif, j’ai immédiatement constaté que la sensibilité sur les petits chocs – si importante pour un VTTAE en montée, je le rappelle –, n’était pas extraordinaire… On a beau savoir que la Podium est une fourche conçue avant tout pour dévaler les pentes à une grosse cadence, je ne pensais pas que le peu de poids sur l’avant quand ça grimpe fort jouerait un rôle si important sur le travail de la fourche face aux différents petits chocs.
Au lieu d’effacer les pierres, les petites marches et les racines, la fourche ne bouge pratiquement pas et procure des délestages intempestifs de la roue avant qui a parfois du mal à rester posée au sol. Alors on peut corriger ça en plaçant davantage le haut du corps au-dessus du guidon et en se levant légèrement de la selle, mais c’est évidemment plus contraignant qu’avec une simple 38 qui gomme vraiment davantage les petites aspérités du terrain ! Pourtant, en statique, en appuyant sur la fourche, il y a une bonne sensibilité. Mais dès que l’on roule et qua ça monte un peu raide, il y a beaucoup moins que prévu…



Mais au fur et à mesure, la fourche se libère un peu et en affinant légèrement les réglages, je suis arrivé à obtenir un résultat satisfaisant en montée. Bien sûr, avec la nouvelle mise à jour Bosch eMTB+ et la vitesse de passage plus importante dans le positif qui en résulte, il est important de ne pas s’endormir, de bien maîtriser le vélo et d’être plutôt à l’attaque debout sur les pédales et les fesses un poil décollées de la selle, qu’assis en attendant que l’assistance vous amène en haut ! C’est la meilleure solution pour moins cabrer, aller où l’on veut et ne pas se faire bouger dans les parties cassantes… Et j’avoue que si l’on a la forme, ce n’est pas désagréable du tout. C’est juste plus exigeant qu’avec une 38 Kashima GripX2.
Taillée pour la descente…
Heureusement, il suffit que la pente s’inverse, même légèrement, et que l’on se mette debout avec, du coup, plus de poids sur l’avant, pour retrouver un fonctionnement normal et une bonne absorption des petits chocs. Il semblerait donc bien que l’on ait affaire à une fourche taillée pour la descente, ce qui, finalement, n’est pas vraiment une surprise.
Dès le départ, on note que la rigidité est carrément impressionnante et que les doutes éventuels que l’on aurait pu avoir de ce côté-là n’étaient pas fondés. C’est précis, ferme, mais cela demande forcément aussi au pilote d’être tonique et d’attaquer un minimum pour ressentir de bonnes sensations. C’est le propre de la Podium, qui a été pensée, non pas pour remplacer la 38, mais bien pour combler un espace entre celle-ci et la 40 double té de descente. Si l’on ne veut pas être déçu, il faut donc prendre en compte tous ces critères avant d’investir dans cette fourche, qui, en plus, est loin d’être donnée… A moins, bien sûr, d’avoir été séduit par le look original et extrêmement soigné du produit et de vouloir se monter un bike d’exception parce que l’on a les moyens de le faire. Mais ça, c’est une autre histoire !


Sinon, il y a autre chose qui m’a sauté aux yeux… Comme sur une 38 avec la cartouche GripX2, on sent bien que le maintien est nettement supérieur. Mais sur la Podium, il est indéniable que ce maintien supplémentaire n’empêche pas la suspension d’utiliser comme il faut l’intégralité du débattement… Et ça, c’est vraiment nouveau. Et on a beau ne pas avoir eu l’impression d’être allé jusqu’à la limite du talonnage, il suffit de regarder la position du joint torique sur le plongeur pour confirmer que si, c’est bien le cas !
En fait, du point de vue de la technologie et des performances, la Fox Podium est au-dessus d’une fourche classique. Ce qui ne veut pas dire qu’elle répond à toutes les attentes. Encore une fois, c’est un produit exclusif qu’il faut appréhender comme tel. Et si je suis persuadé qu’en descente, un jeune qui envoie du lourd en bike park ou sur des pistes permanentes de DH y trouvera son compte, je pense, en revanche, que l’enduriste au pilotage fin et au poids plume qui roule sur des spéciales naturelles, n’aura pas forcément besoin d’une telle fourche pour aller vite et péter de bons chronos… Quoi qu’il en soit, pour ma part, je me suis bien fait à la Podium et je précise qu’en dépit des 400 g supplémentaires à l’avant, je n’ai guère senti de différence par rapport au montage en 38. L’équilibre est bon, la roue avant se lève et se place parfaitement dans les passages techniques et on exécute les wheelings et autres bunny-ups sans avoir à forcer davantage le geste. Globalement, pour dévaler les pentes, c’est donc extrêmement positif.

En tout cas, en ce qui concerne les VTTAE d’enduro de type Santa Cruz Bullit, Yeti LTe, Pivot Shuttle, Orbea Wild ou même Turbo Levo 4, monter une Podium d’origine sur ces modèles haut de gamme a carrément du sens. Ça leur colle parfaitement à la peau… Et puis pour des pratiquants qui pèse entre 80 et 90 kilos et qui sont plutôt “généreux” en pilotage, je pense que ça peut représenter un vrai plus ! Du coup, à l’avenir, pour les e-Bike, vu que l’excédent de poids n’est pas vraiment un problème, on se prend même à rêver d’une ou deux déclinaisons plus abordables de cette fourche Fox inversée, du genre Performance en 160 et 170 de débattement. L’avenir nous dira si j’affabule ou pas !

Qu’en penser ?
Que les sceptiques soient rassurés, avec la Fox Podium, on a enfin trouvé une fourche inversée à grand débattement qui fonctionne… A la fois rigide et performante, elle met davantage en valeur les qualités de la cartouche GripX2, mais se révèle aussi plus exigeante pour le pratiquant de base.
Bon, en même temps, Fox ne se cache pas pour annoncer que cette fourche très chère et plutôt exclusive se destine avant tout aux bons descendeurs et aux compétiteurs d’un certain niveau en enduro. Partant de ce constat et dans la mesure où elle est utilisée à bon escient, j’ai trouvé que la Podium avait beaucoup de qualité.
Elle possède une précision et un grip exceptionnels, un maintien solide dans la deuxième partie du débattement et une aisance très intéressante lorsqu’il s’agit d’utiliser les 170 mm de course… Après, il est clair qu’il faut s’habituer à sa grande rigidité et oublier le confort si l’on ne roule pas assez vite. Mais encore une fois, c’est une fourche spécifique, haut de gamme et qui n’a pas été conçue pour rouler en rando… même sportive !
En revanche, elle a tout à fait sa place sur un VTT à assistance électrique d’enduro haut de gamme… Je dirais même que c’est sur ce genre d’engins motorisés qu’elle pourrait ratisser le plus large en termes de types de pratiquants. Il faudrait juste que Fox décide dans un avenir proche de commercialiser une Podium Performance pour que l’on ait des chances de la retrouver montée sur des VTTAE à moins de 10 000 balles… C’est tout à fait dans leurs cordes, alors on peut toujours rêver ! Car pour l’instant, il est clair que le tarif prohibitif de ce (très beau) produit la réserve exclusivement à une élite qui a les moyens de se l’offrir.
Principales qualités
- Finition au top
- Rigidité
- Maintien impressionnant
- Grip exceptionnel
- Taillée pour la descente
- Look d’enfer
Principaux défauts
- Produit exclusif
- Tarif (très) élevé
- Poids
- Changement de moyeu (20×110) obligatoire